Tango negro, les racines
africaines du tango est un documentaire de 93 minutes de l’Angolais Dom Pedro. Il part sur les traces du Tango
des origines pour montrer la part négro-africaine de cette musique emblématique
de l’Argentine.
Affirmer que le Tango est d’origine nègre paraît de prime
abord saugrenu tant cette danse est emblématique de l’Argentine. Même les plus
grands écrivains argentins comme José Cortezar, Ernest Sabato ou Luis Borgès
qui ont évoqué cette musique dans leurs
œuvres n’ont jamais mentionné son ascendance africaine. Et puis, on visionne ce
film et on se rend compte que ce pays n’a pas été aussi monocolore que l’on
veut le faire accroire.
Ce film nous embarque dans un long voyage musical et
historique entre Paris, Buenos Aires en Argentine et Montevideo en Uruguay. Une
remontée vers les racines du Tango. Il donne la parole à des musicologues, des
chercheurs, des musiciens qui affirment
l’origine nègre de cette danse.
On découvre effectivement que l’Argentine a reçu une forte
colonie d’Africains déportés sur son sol
par la traite négrière. Ainsi en 1830, un tiers de la population de Buenos
Aires était noire et certaines villes étaient à 50% peuplées de Noirs. Ces
populations, majoritairement venues de l’Afrique centrale et de culture bantou
vont y apporter leur musique.
Mais cette communauté africaine va disparaisse peu à peu, exterminée dans
les guerres ou dissoute dans le métissage. C’est à partir de 1852 qu’il y a une
réécriture de l’histoire pour effacer l’apport culturel de la communauté
négro-africaine. Une forte émigration blanche composée d’Italiens et de Juifs
va apporter leur culture au Tango et occulté son essence nègre.
Ce documentaire est servi par des belles images. Il y a des
moments de vrai cinéma qui happent le spectateur et le fait entrer dans l’histoire. Comme quand les
couples dansent le tango, et la camera suit les arabesques des corps,
restituant la fluidité, la légèreté et la beauté des mouvements qui oscillent
entre l’étreinte amoureuse et la tauromachie.
Et lorsque, passant d’Argentine en Uruguay, on a une belle séquence d’un vol
d’oiseaux migrateurs s’étirant dans le ciel au-dessus de l’océan avant de
disparaitre derrière les premières maisons de Montevideo, on a là une belle
métaphore de l’arrivée des Noirs dans ce pays.
On aurait aimé que Dom Pedro se servît plus de ces moments de poésie que
des longues interviews. En somme, qu’il y mît plus de poésie et moins de ratiocinations. Mais son
propos se voulant scientifique, il a préféré le laïus des éminences.
Ce choix-là a pour conséquence de tirer le documentaire en
longueur et le cinéphile s’ennuie fort
après une heure. Surtout on ne comprend pas pourquoi le film nous embraque pour
l’Uruguay car la question de l’essence nègre du Tango est Argentine. En Uruguay, le débat n’a pas lieu.
Tango Negro a une certaine résonance avec le roman Le Chanteur de Tango de Toma Eloy Martinez qui raconte l’histoire
d’un étudiant américain qui part sur les traces du tango en suivant Julio Martel, un infirme qui n’a jamais
enregistré ses chanson et qui chante dans des lieux improbables de Buenos Aires
pour ressusciter une histoire douloureuse de l’Argentine, fait d’assassinats
politiques et de dénis.
Tango Negro aussi ressuscite l’histoire douloureuse et
méconnue des négro-africains d’Argentine en allant sur les lieux qui portent
les traces de cette existence. Grâce à ce documentaire, on verra le tango
autrement. Comme la première world-music, une fusion entre musiques noire,
italienne et juive.
1 commentaire:
Et moi qui ai cru que Dieu était! Et le tango blanc.Le tango c'est comme l'arc-en-ciel. Ce sont toutes ses couleurs qui font la beauté du tango. Merci pour cette analyse des chromosomes de l’humanité et du tango.
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