Jacques Prosper Bazié est romancier, nouvelliste, essayiste et
poète. Mais en tous ces genres, c’est le poète qui affleure. D’où une plume exigeante,
une langue chatoyante et briquée comme un joyau. Ce triple lauréat du Grand
prix des Arts et des Lettres de la Semaine Nationale de la Culture nous fait
entrer dans sa fabrique de littérature et parle de son rapport à la création.
L’Observateur
Paalga (L’Obs) : Y a-t-il un endroit et des moments précis où vous
écrivez ? Comment écrivez-vous ? Au carnet, à l’ordi ? De quels ouvrages
vous vous munissez pour écrire ?
Jacques
Prosper Bazié (J.P.B) : Tout lieu m’inspire. J’écris généralement couché au moment où je
me repose. Mais bien avant, dans la
journée des idées me bouillonnent.
Alors, le temps les fait fermenter et l’écriture dans la cuvée les
distille. C’est un processus de
brasserie.
Le support papier et l’ordinateur y passent. J’ai en permanence sur moi un carnet ou des
feuilles sur lesquels je note des éléments d’inspiration bien souvent perdues
si l’on ne prend garde. Les TIC
accompagnent la production littéraire, mais il n’y a en la matière ni
exclusion, ni substitution et les raccourcis des technologies ne dédouanent pas
l’écrivain de ses obligations d’écriture.
En dehors de son acquis, de ses connaissances, un écrivain
devrait-il s’appuyer sur un autre ouvrage pour écrire ? Pas tellement, à
moins de voir le problème autrement.
Effectivement, les ouvrages socialement marqués, les productions historiques
requièrent pour une bonne part une documentation, des références. L’histoire littéraire française nous rappelle
cette école du naturalisme mis au service du roman expérimental.
L’Obs : Comment
naît un livre. Quelle est l’étincelle
« déclencheuse » ?
Racontez-nous la naissance de votre dernier livre
J.P.B : La
naissance d’un livre est liée à plusieurs contingences personnelles,
grégaires. Une écriture relève d’une
sociabilité. Des faits majeurs viennent
vous commander témoignage et vous demandent d’assumer une charge, sans clairon,
dans le silence des intelligences et vous vous mettez en chemin. Vous arborer alors votre masque et vous vous
mettez à émettre des signes à décoder.
Ma dernière production est inspirée par un homme qui a secrètement
marqué ma vie d’adolescent quand je fréquentais dans les années 78 l’université
de Ouagadougou. Quand il est mort, les
gens se sont ruées sur ses biens et son patrimoine a été bradé jusqu’à l’oubli
de son nom alors que, par révolte, il avait rejoint les routes de l’épreuve
pour se battre. Et je me suis mis à
écrire Les Anti-mémoires d’un dozo
vaincu.
Le livre vient par observation d’événements, des réflexions sur
notre condition, notre destin d’homme ou d’acteur d’un environnement.
L’Obs : Combien de temps dure
l’écriture d’un livre ?
L’Obs : Une
écriture sérieuse prend sensiblement un bon moment. Du temps du premier jet à la phase
d’élaboration, des années seraient passées.
Et on travaillerait à s’imposer une exigence pour pousser le récit à son
degré de perfectibilité pour échapper à la dérive, à la précipitation ou à la
suffisance qui sont, en la matière, les démons de la création. De manière générale, l’essentiel d’un ouvrage
est retranscrit en quelque six mois. Le
reste demeure un travail de finition, de polissage, de redimensionnement et
cette phase relève de l’artisanat du style. L'oeuvre qui m'a pris le plus de temps est Amoro.
Il
faut écrire des productions qui, en plus de la thématique, allient une
excellence de style susceptibles de résister au temps, surtout dédiées à la
postérité, à l’instar des textes latins et de la phrase grecque.
L’Obs : Quel est le
dernier livre que vous avez lu ou que
vous êtes en train de lire ?
L’Obs : Il
y a un qui est édité et connu : Le
Désert des Tartares de Dino BUZZATI, issu de la littérature italienne.
Il
y a aussi quatre œuvres nationales, quatre romans au stade de tapuscrits sur le
point d’être éditées et qui sont de belle facture :
Les Amants de Lerbou
du ministre HAMA Baba
Le Destin raté de Maïmi
de Rasmané David SAWADOGO
Les
Confidences d’une muette de Justin Stanislas DRABO
Ces chemins
escarpés ! d’Auxence Sotuo SOME
Et j’en oublie, comme le récit intitulé La Barbe de l’imam du romancier KANTABGA…
L’Obs : Sur une île déserte,
quels sont les trois livres que vous emporteriez ?
L’Obs : Vous
dites bien une île ? J’en prendrai bien plus au nombre
desquels :
Le Monde
s’effondre de Chinua ACHEBE
Les Enfants
de Sanchez d’Oscar LEWIS
Chants pour
signares de Léopold Sédar SENGHOR
Poèmes pour
l’Angola de Frédéric Titinga PACERE
Tierce
Eglise, ma mère…, d’Anselme Titianma SANON
Le Cahier
d’un retour au pays natal d’Aimé CESAIRE
Le Discours
sur le colonialisme d’Aimé CESAIRE
Le Roi du
Djadjo de Bali NEBIE
Un peuple de
fauves de Colin TURNEBULL
Tribaliques de Henri LOPES
Histoire de
l’Afrique noire de Joseph KI-ZERBO
Le Crépuscule
des temps anciens de Nazi BONI
L’Etrange
destin de Wangrin d’Ahmadou Hampathé BA
Et j’y joindrai volontiers Une
si longue lettre de Mariama BA.
Les ouvrages publiés par Jacques
Prosper Bazié
Poésie
Orphelin des collines ancestrales, Dasl,
1984/Kraal, 2005
La Saga des immortels, Dasl, 1987
Aux miradors de l’espérance,Kraal,
1992
Agonies
de Gorom-Gorom,Dasl, Kraal, 1992
Parchemins migrateurs,Kraal,
2011
Roman
La
Dérive des Bozos,Kraal, 1988
L’Epaved’Absouya,
Kraal, 1995
Amoro,
Kraal, 2009
Nouvelle
L’Agonie
des greniers,Dasl, 1994
Crachin
de Rissiam,Le Nordir, 2002
Croquis
de Panguin, Kraal, 2004
Pangée de campements, Kraal,
2011
Conte
Cantiques de soukalas, Kraal,
1998
Théâtre
Amoro,Dasl, 1990
Essai
Nazi Boni, Le Moïse du Bwamu,Kraal, 2014
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