Sur un drame drôlatique
de Wole Soyinka, Aristide Tarnagda crée un spectacle fort. Sur un rythme
survolté, 26 comédiens font rire aux larmes en nous faisant vivre le rise and fall d’un Ubu africain. Plongée
au cœur des intrigues de palais et dérives du pouvoir sur un mode farcesque.
Disons-le tout de go : cette pièce réconcilie le Cito
avec les amateurs de grand théâtre qui étaient lassés des petites créations peu
ambitieuses. Baabu Roi est vraiment
la création majeure de cet espace en cette année2016. Avec Baabou Roi
créé en 2001, le prix Nobel de littérature nigérian Wolé Soyinka poursuit sa
dénonciation des dictatures. C’est l’histoire de Basha Bash, un soldat benêt
que son ambitieuse et cupide femme, Maariya, pousse à renverser le Général Potiprout
pour prendre le pouvoir.
Il se proclame roi Baabou (rien en Yorouba) et fait de son
pays le Gouatou, une monarchie. Et commence alors une chevauchée sanglante
pleine de bruit et de fureur qui va s’achever par la mort du roi, celui-ci
ayant succombé à une overdose de rhinodisiaque. Un parcours fulgurant qui continue un cycle de violences
politiques sans le clore…
Tout en optant pour la fidélité au texte, Aristide Tarnagda propose une mise en scène intelligente et austère,
virevoltante qui rend magistralement la
folie, le grotesque et l’absurde de cette pièce ou meurtres entre amis,
mensonges, gabegie, népotisme et prédation sont poussés au paroxysme. Pendant
deux heures d’horloge, il promène sa trentaine de comédiens sur scène avec une
maestria de général d’armée.
Avec cette mise en scène, Artistide Tarnagda confirme qu’il
est aussi bon dramaturge que metteur en scène. Au Burkina, on a vu ses mises en
espace réussies de textes contemporains avec des personnages peu nombreux. Avec
ce texte « classique » et cette pléthore de comédiens, on était dans
l’expectative.
Il court une idée (reçue ?) selon laquelle ceux qui dirigent
bien peu de comédiens auraient du mal avec une foule de comédiens. Comme si un
droitier ne peut être que malhabile avec sa gauche. Pourtant on découvre ici un metteur
en scène ambidextre. Comme un magicien, il fait surgir une foule sur scène et la
fait disparaître comme un corps volatil.
La First lady Maariya (Safoura Kaboré) |
D’où la frustration légitime des spectateurs quand après une performance de 2 heures, ces comédiens sont congédiés dans les coulisses sans être présentés au public pendant que le présentateur s’égosille sur des banalités autour de la pièce.
Le public rit beaucoup pendant ces deux heures. A cause du comique du texte qui met en œuvre une novlangue faite d’emprunts à Ubu Roi dont il se veut une réécriture, à Lady Macbeth et à Jules César de Shakespeare, et truffée de néologismes et de contrepèteries. On devine que Wole Soyinka l’a écrite dans une transe jubilatoire, utilisant l’art pour dénoncer les dictatures au Nigéria et du même coup se payer la tête de Sani Abacha : les similitudes entre Basha Bash et cet homme politique qui a contraint l’auteur à l’exil sont évidentes : d’abord la proximité des noms et ensuite leur mort.
Cette mise en scène réussit par l’usage du
moore et par des clins d’œil à l’actualité nationale à mettre ce drame ubuesque en
raccord avec l’histoire politique du pays des hommes intègres. Comment ne pas
penser à la Transition après que Basha Bash s’est débarrassé du treillis pour
un Faso Danfani et à la concussion de la société civile. Des officiers avaient
rapidement remisé leur treillis du RSP au placard pour le costume en cotonnade
pendant cette période.
Il serait cependant erroné de lire cette pièce comme une tragi-comédie
africaine tant son universalité ne fait pas de doute. Donald Trump n’est-il pas
le Cousin d’Amérique de Basha Bash de par ses excès, sa démagogie et sa vision
très étriquée du monde ? Baabou Roi est à l’affiche au Cito jusqu’au 16 juillet 2016.
Courez-y.
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