Tout mur est une porte. Emerson

vendredi 9 décembre 2011

Les sculptures de Loango menacées

Loango est un musée de sculptures à ciel ouvert. Depuis 1989 des artistes des quatre continents viennent se confronter au granit pour faire émerger des sculptures, belles, variées, défiant le temps. Mais au fil des ans, le site se dégrade sérieusement. Les sculpteurs aussi. Serait-ce dû à des actes de vandalisme ?
Pour qui va souvent à Laongo, la lente dégradation du lieu et la décrépitude des sculptures sautent aux yeux de sorte que l’endroit ressemble de plus en plus aux ruines des temples aztèques ou d’Angkor. La nature sauvage semble vouloir reprendre le site aux hommes. L’herbe y pousse drue, mangeant les sentiers du site et des plantes grimpantes enlacent les sculptures, des lianes s’entrecroisent et tissent des mailles inextricables rendant les sculptures difficilement accessibles. Même s’il y a du charme dans cette lutte inégale entre un David chlorophyllien et un Goliath minéral et dans cette scénographie du hasard autour du vert végétal et du gris minéral, on aurait aimé que la main d’un jardinier y mît un peu d’ordre et organisât l’impétuosité des plantes et des herbes en aménageant un itinéraire dégagé, en débrouillant autour des sculptures, en coupant les branches qui dérobent les œuvres au regard. Un travail de paysagiste, en somme !
Mais le grave, c’est la dégradation des œuvres. Nous ne parlons pas de l’usure naturelle des éléments. Pas du temps qui couvre de patine les œuvres, ni des mains qui, à force de toucher les statues les rendent lisses, ni des intempéries qui les lézardent et leur donnent un air de fragilité et d’authenticité. Le charme de la Vénus de Milo ne vient-il pas aussi du fait qu’elle est manchote ? A la nuance près qu’elle a été arrachée à 18 siècles d’ensevelissement et que Loango n’a même pas trente ans ! Mais lorsque qu’une œuvre est saccagée par des visiteurs indélicats qui lui arrachent des parties et les emportent, c’est intolérable. A voir l’état de certaines œuvres de Loango, on penserait qu’elles ont été vandalisées. Ainsi du Fardeau de la vie de Vassili Tatarski qui a perdu son fardeau, un bloc de granit que portait le visage androgyne de la sculpture. Sans ce fardeau, cette œuvre perd totalement de sa signification. Une autre sculpture est mutilée : La recherche de la vérité de Pépito Espin Anadon qui questionne la crise ivoirienne à travers l’opération Bayiri. Cette œuvre montrait cinq bonshommes de bronze, harassés, courbés sous le poids des soucis et gravissant avec peine une pente ascendante. Il n’y a plus de cinquième homme dans la cohorte ; c’était la statuette la plus grande. Aurait-elle été arrachée et emportée par un visiteur ? Enfin l’Hommage aux femmes de Dinekc Beereboom, une des plus belles œuvres du site faite d’un buste de femme en granit posé sur un tronc en fer et surmontée d’une tête de fer portant un poisson de granit. Cette belle œuvre a été…guillotinée. La tête et le poisson n’ont pas roulés au pied de la belle dame, ils ont disparu ! Emportés par un indélicat ?
Que ce soit des actes de vandalisme ou des détériorations dues au manque d’entretien, il faut y mettre fin. Loin de nous l’envie de faire glisser l’archet de l’indignation facile sur des peccadilles pour faire entendre la musique du ronchon. Mais Loango est un site unique dans la région, un patrimoine à préserver vaille que vaille. Car déambuler entre les hommes, les femmes et les objets enfantés de la pierre a quelque chose d’édifiant. Aussi est-il des visiteurs qui vont à Loango comme d’autres s’en vont à Yagma ou à Ramatoulaye. Avec l’esprit du pèlerin et un profond respect du lieu et des choses. Il faut donc protéger ce lieu. En restaurant les sculptures, en entretenant le site et en traquant les actes délictueux.
Alcény Saïdou Barry


vendredi 2 décembre 2011

Piéton à Ouaga : le calvaire

Dans la capitale Burkinabé, il ne fait pas bon d’être un piéton. L’aménagement urbain ne tient pas compte de lui, les usagers de la route en font un ennemi public, un homme à abattre. Il est par conséquent dangereux d’en être. Ici le piéton est une espèce menacée.

L’aménagement urbain exclut le piéton

C’est un calvaire pour le piéton de faire un kilomètre dans la ville de Ouaga. D’abord l’aménagement urbain n’a prévu aucun espace pour lui. Quand de rares fois, il lui est réservé un espace comme la zone piétonne autour de Rood- woko, les voitures et les cyclistes contestent la règle et obligent l’autorité à y déroger. La plupart des rues sont sans trottoir, l’obligeant à partager la bande cyclable avec les deux-roues. Et cela à ses risques et périls car le cycliste Ouagalais lui voue une haine nauséeuse. Dès qu’il pose la semelle sur le bitume un concert klaxons furieux le glace d’horreur. Même s’il traverse une rue en empruntant les rares passages cloutés qui lui sont réservés, il doit être vigilant comme un CDR, pour ne pas se faire écraser! A Ouagadougou, aucun cycliste ou chauffeur ne ralentira pour le laisser traverser. Pour éviter d’être écrasé, il devra prendre ses jambes au cou, slalomer entre les roues, la bordée d’injures et les klaxons pour atteindre l’autre côté de la rue. Comme s’il ne traversait pas une rue mais une mare aux alligators !

L’aristocratie de la monture

Confronté au mépris des autres usagers de la circulation, le piéton prend rapidement conscience de la hiérarchie de classe qui tient de la qualité de la monture. Au sommet de l’échelle sociale trône le conducteur de gros camions. Il est très craint mais point aimé. Suivent par paliers, les conducteurs des 4x4, ceux qui roulent de petites voitures et des grosses cylindrées. Au dernier barreau de l’échelle, se trouvent les cyclistes. Ils sont méprisés par les citadins qui les considèrent comme des paysans ne connaissant rien au trafic urbain. Enfin, au plus bas de l’échelle, au même rang que les ânes, les moutons et les chiens perdus, on trouve le piéton. Beaucoup de Ouagalais pensent que cet étrange bipède mériterait de rejoindre les animaux en divagation à la fourrière. Sans rire !

Un piéton est de facto un prolo

Il est des citadins incapables d’admettre que l’on puisse trouver du plaisir à battre le pavé. Marcher est perçu comme une dégénérescence sociale. C’est pourquoi, dès qu’un homme marche sur le bas-côté de la voie, ceux qui le reconnaissent se rangent à sa hauteur pour s’enquérir du problème qui l’a réduit à cet état. Panne ? Qu’il réponde que marcher est un plaisir et on doutera de sa santé mentale. Amadou l’a appris à ses dépens. Son médecin lui ayant conseillé de faire de la marche pour perdre du poids et fortifier son cœur, il s’y était mis. Mais, à chaque pas, il était arrêté par une bonne âme qui se proposait de lui porter secours. D’autres, plus perfides, appelaient sa femme au téléphone pour lui demander ce qui était arrivé à son époux. Pour mettre fin à ces harcèlements, il s’est résolu à s’inscrire dans une salle de gym et à marcher tranquillement sur un tapis roulant.

Le tacot ou la mort !

Marcher ici est vraiment un enfer. Ouaga est un pandémonium pour le piéton. C’est pourquoi tout ouagalais qui arrive à rassembler trois fois cent mille francs s’achète un tacot fumant comme un volcan, toussotant comme un tuberculeux et brinquebalant. Assis au volant de son cercueil roulant, se rappelant son calvaire d’antan, le chauffard se venge des piétons en jouant du klaxon et en les traitant de tous les noms d’oiseaux dont on l’affublait. On raconte dans les gargotes qu’un riche transporteur, ayant un grand parc d’autos allait rendre visite à un voisin de quartier et se fait éclaboussé par une vieille guimbarde. Il hurle après le chauffeur qui fait marche arrière et s’arrête à son niveau. L’homme s’attend à ce que le zigoto lui présente des excuses. Et le chauffeur, calmement lui dit qu’il a vraiment raison de s’énerver. « Moi-même, j’ai été victime d’éclaboussures sur mes vêtements. Comme toi, je me suis énervé, et c’est pourquoi j’ai acheté un véhicule pour éviter ces désagréments. Fais comme moi, achète-toi un véhicule » assène-t-il avant de disparaître dans la circulation, son tacot se dandinant comme une cane éclopée. Renversant, non ?

Et le piéton cataclysme ?

S’il est vrai que le piéton est malmené, il y en a qui sont vraiment indéfendables et même Vergès ne s’y risquerait pas. Parfois, on voit de jeunes filles se traînasser comme des limaces sur la voie tels des mannequins de Dior sur un T, sans parler de certains quartiers de Ouaga où des piétons s’arrêtent au milieu de la rue pour papoter, se prenant pour des ronds-points que voitures et motos doivent contourner ! Et le plus dangereux d’entre tous, c’est le piéton indécis : pour traverser la rue, il zieute à gauche et à droite, prend son élan, et hop ! le voilà qui se lance ainsi qu’une fusée et subitement il freine des quatre fers, revient sur ses pas, pousse un ouf de miraculé, et refait un pas en avant, et encore deux en arrière. Sa valse hésitante entraine tout le monde dans un sacré cafouillage dans la ligne des voitures, et s’ensuit un carambolage, un véhicule emboutit un autre et ainsi de suite…Et debout sur ses jambes flageolantes, tremblant comme une feuille, le piéton indécis contemple son œuvre : un désastre de tôles froissées, de vitres brisées, d’hommes en fureur. A lui seul, il est une catastrophe et les chauffeurs courroucés aimeraient bien l’avoir sous leurs roues pour en faire du pâté pour chiens errants de Ouaga. Mais une hirondelle ne faisant pas le printemps, on ne va pas condamner tous les piétons simplement parce qu’il s’en trouve qui sont aussi ou moins intelligents que leurs…pieds.

Saidou Alceny Barry

vendredi 25 novembre 2011

Un jour sans presse, le pied !

Un spot publicitaire passant à la TNB nous demandait d’imaginer un jour sans presse. Nous avons joué le jeu, fermé les yeux, laissé gamberger notre imagination et franchement un tel jour, c’est le paradis ! Sans presse, sans pression, c’est le nirvana !
Imaginez que vous vous réveillez dans un monde sans journaux dans les kiosques, sans vendeurs à la criée aux feux, sans journaux télévisés, sans le scintillement de la lucarne bavarde dans votre salon et sans grésillement de la radio. Un jour sans presse ! Sans apprendre au réveil que Assad a tué une dizaine de syriens qui manifestaient paisiblement, sans lire qu’un dément a vidé son chargeur sur un bus d’écolier aux Etats-Unis, qu’un barbu s’est fait exploser avec sa bombe dans une mosquée, faisant des centaines de victimes, sans entendre que la crise financière va débarquer dans votre pays, sans avoir dans la gueule les images d’un camp de réfugiés somaliens avec de petits enfants , ventre gonflé, côtes saillantes agonisant devant les caméras, bref un matin neuf et sans tache qui ne vous fasse pas désespérer de l’humain, un matin sans atrocité qui vous retourne l’estomac et vous fiche une envie de dégueuler toute la journée, sans l’habituelle dose de pessimisme que les nouvelles du matin vous instille dans le cœur pour le restant de la journée.
Imaginez un silence radio toute la journée. Ouf, nos oreilles enfin en paix. Plus de vociférations des animateurs des radios FM qui nous raclent les tympans, finis les hurlements de bonimenteurs semblables à des cris de gorets que l’on égorge. Plus de zigotos qui déversent leur bile sut tout et rien, plus de carnet nécro, plus de communiqués peins de menaces de la Commune…en somme une journée pépère qui vous donne le sentiment que tout va bien au Faso.
Un jour sans subir la pesante présence de la télévision, c’est un pur bonheur à siroter à petits coups! Ne plus voir un journaliste baragouiner un français approximatif, truffés de fautes de langue indigne d’un élève de cours moyen lire un court texte d’une dizaine de mots avec des erreurs et dont le commentaire est démenti par les images : il parle du Faso, on y montre des images de Kuala Lumpur. Et surtout sans ses magazines de sport où une nymphette égrène un interminable chapelet de coupes de foot organisées par d’ obscurs députés, d’illustres inconnus ou des politiciens sur le déclin dans d’ obscurs patelins avec des gueux qui courent derrière le ballons comme des oies éclopées. Affligeant ! Sans être obligé de recevoir dans son salon, la présentatrice de la météo qui ronronne, minaude, se pavane sous tous les angles, les bras se tordant dans tous les sens tels des boas tout en mâchouillant des noms de villes et de pays de façon inaudible. Berk ! Et sans le 20H avec son immuable déroulé de séminaires, de symposiums, de sessions, de réunions, de rencontres qui se suivent et se ressemblent ; ne plus voir et entendre les mêmes hommes politiques, les mêmes de la société civile, les mêmes bonnets rouges, les mêmes bonnets blancs, les mêmes nu-tête. Un jour sans voir ni entendre l’omniprésent et l’omni-communicant gouvernement de LAT…. Hum ! Ceux-là, ils doivent avoir un don d’ubiquité pour être tous les jours sur le terrain et en avoir du temps de boulot pour nous sortir de la crise. A moins qu’ils utilisent des sosies pour jouer leur rôle devant les télés. Ou ont-il un studio de cinéma avec les paysages de tout le pays où ils tournent toutes les sorties de la semaine le dimanche avec des figurants et ensuite, pendant que nous les voyons sur le terrain à la télé, ils sont à carburer dans leur ministère ! C’est bien possible car la presse est une grande manipulatrice. Et sans voir la barbichette d’un opposant, sans entendre le tollé d’un syndicat. Bref, un jour sans avaler une couleuvre! Cet inventaire à la Prévert peut se poursuivre jusqu’à la fin du monde tant il semble commis par un chef de programme un peu pervers !
Et la presse écrite ! Plus de Nouvel Obs, ni d’El Pais ni de Tam-tam officiel. Aucun article pour orienter votre lecture des évènements, pour vous gauchir le jugement, vous faire voir le monde à travers des œillères. Vous allez à l’actualité, vierge et sans a priori. Quitte à ne rien piger à cet imbroglio d’évènements ! Surtout vous ferez l’économie d’articles dont la lecture vous fait d’habitude monter la moutarde au nez et vous donne des envies de meurtre, le désir de serrer le gosier de l’oiseau à plume qui a osé débiter des vérités qui ne sont pas les vôtres, donc de purs mensonges.
Mais un jour sans presse, c’est aussi un jour de liberté pour les journalistes eux-mêmes. Chaque jour, ces pauvres scribouillards sont contraints de trouver des sujets vaille que vaille. De courir le monde pour traquer l’info, la vraie, séparer le bon tuyau de l’intox, mâcher cette info pour faciliter sa digestion par un lectorat qui veut du prêt à consommer, etc. Et puis, les pauvres ! Ils ont beau faire un métier ingrat, qui ne donne ni villa à Ouaga 2000 ni 4X4 climatisée, ils se retrouver souvent face à des gens qui les traitent de tous les noms d’oiseau, d’autres qui leur tirent dessus comme s’ils étaient des canards sauvages ou qui les foutent au gnouf. C’est méchant ! Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt, il faut signaler qu’il y a de belles âmes qui nourrissent un amour vrai de la presse, qui adorent les hommes de médias quoiqu’ils haïssent un tout petit peu ce qu’ils écrivent. Comme ce ponte d’un parti politique du Faso qui « haime » tellement les journalistes qu’à la vue de la mauvaise qualité du papier journal, il leur a suggéré d’écrire sur leur dos. Et depuis, il y a des journalistes qui se sont mis au yoga et apprennent les postures de contorsionnistes pour écrire sur leur dos ; ceci pour faire plaisir à leur ami politique et à ses amis.
Donc, un jour sans presse, vous vous surprendrez à fredonner « It’s a wonderful word » d’Elvis Presley. Ce jour serait comme le retour à l’Eden, dans le jardin du paradis avant qu’Eve ne mordît dans la pomme et découvrît à l’intérieur un petit émetteur radio dont elle se mit à écouter les émissions, ce qui amena des ennuis et la fureur du jardinier barbu qui expulsa le couple d’auditeurs radio! Un jour virginal où vous pourrez vous asseoir et écouter la douce musique du… silence.
Mais d’un autre côté, si la presse se taisait un jour, le monde ayant horreur du vide, dame rumeur prendrait vite le relais et avec elle, c’est no limit. Ouaga pourrait bien se vider un beau matin de sa population à cause d’une rumeur sur l’imminence d’une éruption volcanique ou d’un tremblement de terre. Oui, tout le monde sait que la capitale n’est pas posée sur une faille tectonique mais avec la rumeur, on ne s’embarrasse pas de ses détails-là. Même si la presse fait quelques fois de petits arrangements avec la vérité, elle n’est pas une fabrique de mensonges comme dame rumeur. Par conséquent il faut mieux la prescrire que la proscrire. Alors que le Festival international de la liberté d’expression et de la presse (Filep) évite de pubs pareilles car ça pourrait donner des idées à..à…à…( autocensuré !).
Saidou Alcény Barry

lundi 14 novembre 2011

Island d’Athol Fugard : l’imaginaire à l’assaut des barricades

Island est une pièce écrite en 1970 par trois auteurs sud-africains que sont Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona sur la vie à Robben Island, l’île prison célèbre pour avoir accueilli Mandela. Pénitencier cerné par l’océan et régenté par des geôliers sans cœur. Au cœur de cet enfer, pourtant, la liberté est possible grâce à la parole et au jeu. C’est ce paradoxe que Hassane Kouyaté met en scène avec brio. Entre humour et émotion, Island est une méditation sur la capacité de l’homme à résister par tous les moyens. Par le théâtre, particulièrement.
La pièce s’ouvre sur une scène dépouillée, un petit rectangle dans lequel sont posés un seau et des couvre-pieds figure une cellule de prison, tout alentour le sable. Là, deux hommes, John (Habib Dembélé) et Wilson (Dani Kouyaté), deux bagnards en kaki dont la vie est réduite aux pénibles corvées le jour et à l’immense solitude qu’amène la nuit. Un ordinaire merdique qui normalement désagrège les vies les plus solides au fil des jours et disperse l’humanité aux vents maritimes. Mais ces deux bagnards-là se sont souvenu que l’homme est un roseau pensant, qu’il plie sous l’adversité mais il ne rompt pas s’il recourt à son imaginaire. Ainsi le roublard John et le balourd Wilson, comme Shéhérazade prolongeant chaque soir sa vie par ses contes de mille et une nuits, tissent, par le jeu et la parole, un fil entre la prison et New Brighton, la ville où vivent leurs familles ; grâce à leur imagination, ils entendent les voix des personnes aimées et quittées, les amis, les épouses et les enfants ! Comment ? A tour de rôle, un prisonnier se saisit d’un objet, en fait un téléphone et lance un appel longue distance et simule une conversation avec la famille et les amis. Quand John, une tasse collée à l’oreille comme un téléphone appelle leur famille, l’émotion dégouline de la scène dans le public telle un trop plein de confiture débordant de son pot. A ce rituel qui implose les barreaux de la prison, se greffe la préparation de la pièce de théâtre, Antigone, que Wilson et John doivent présenter dans une semaine à la fête de la prison. Spectacle dont l’élaboration est un sujet de perpétuel désaccord entre ce tandem si mal assorti : à voir le filiforme John et l’épais John, on pense aux tandems mythiques tels Laurel et Hardy ou George et Lennie du roman de John Steinbeck, Des souris et des hommes de Steinbeck. Mais le tandem n’est pas figé car si au début Wilson paraît une montagne de muscle avec un cerveau gros comme un petit pois et que John fait le rusé, par moments, il y a une inversion de rôle et c’est Wilson qui prend le dessus et mène la danse. Et la réussite de ce spectacle tient en effet à ce perpétuel vacillement du registre, entre comique et tragique, à cette instabilité des caractères et surtout le grand jeu des comédiens. Habib Dembélé a un jeu tout en nuance et en multiples variations sur l’échelle des émotions. Il a une telle capacité de passer d’un sentiment à son extrême opposé, d’un rire grossier à un sanglot étouffé en un cillement, un jeu qui s’apparente par sa fulgurance au spectacle de la foudre : un vif éclair qui illumine tout suivi d’un grand fracas qui secoue le monde et un calme plat : une furtive inscription dans le ciel mais qui demeure longtemps dans la rétine du spectateur. Ainsi en va-t-il du jeu d’Habib Dembélé. Quant au jeu de Hassane Kouyaté, lui monte doucement en puissance avant d’éclater en gerbes à la fin. Comme goupillé comme un artificier chinois. Une alchimie qui donne une grande complicité sur scène et laisse deviner une véritable complicité dans la vie des deux comédiens. D’ailleurs Island est la preuve que la vie et le théâtre ne sont pas antinomique, ils se nourrissent l’un de l’autre et le théâtre permet de rendre mieux compte de la vie. En effet, Island est née du vécu des comédiens de la troupe de Fugard qui ont été embastillés à Robben Island et c’est une pièce qui veut témoigner de l’enfer de l’Apartheid. De sorte que cette pièce est avant tout une réflexion sur le théâtre et sur sa capacité à parler plus justement de ma vie, parce que l’art transforme l’expérience individuelle en archétype. Le théâtre d’Antigone s’inscrit en abîme dans le théâtre. En effet, quand Wilson rechigne à jouer le procès d’Antigone sous le prétexte que lui aussi a été condamné par un juge à la suite d’un procès et que son expérience est plus éloquent parce que vrai, il oublie qu’Antigone contient et excède sa propre expérience parce que ce texte parle pour tous du cornélien choix entre la Loi et le Devoir. Entre l’obéissance au diktat du groupe et à l’injonction du devoir qui incombe à l’individu. Par-delà le bien et le mal, Antigone dans ce contexte d’Island n’est plus la rébellion d’une fille contre son oncle, ici le texte de Sophocle justifie amplement que des hommes s’opposent à un Etat ségrégationniste et raciste au nom du droit de tous les hommes à la liberté et à l’égalité. Le théâtre est donc une arme miraculeuse et il est possible de le faire partout, même dans la captivité. Il suffit d’un homme ou deux pour que le prodigue théâtral surgisse. Avec des cordes pour faire une perruque, des clous pour un collier et deux demi-noix de coco pour transformer Wilson en la belle Antigone ; des fourchettes sur un cerceau, un couronne sur John et il est Créon, le roi de Thèbes. Et voilà la flamme de la liberté qui naît et dissipe les ténèbres. L’un des mérites de la mise en scène de Hassane Kouyaté est d’avoir respecté l’esprit de ce texte. De ne l’avoir pas encombré d’une scénographie lourde et d’avoir fait surgir la flamme de ce texte à partir de petits riens. Comme le bon campeur fait le feu du bivouac en frottant deux silex sur une ouate de coton! En somme, utiliser un théâtre pauvre pour dire la difficile et grandiose condition humaine. Chapeau bas !
Saïdou Alcény Barry

samedi 22 octobre 2011

La qualité artistique, une gageure pour le cinéma burkinabè.

L’Association des critiques de cinéma du Burkina (Ascric-B) a, pour la deuxième édition de la semaine de la critique, articulé sa réflexion autour du thème : « Cinéma burkinabè : la qualité artistique en question ; quels choix esthétiques et artistiques pour un renouvellement créatif ». C’est aussi l’occasion pour Projecteur de braquer le faisceau sur les deux faiblesses majeures du cinéma burkinabè à partir des années 2000, à savoir le montage et la direction d’acteurs.

Si nous limitons notre corpus aux films de la dernière décennie, c’est en raison de la multiplication des réalisateurs et des films, une effloraison due à la technologie numérique et surtout parce que c’est dans ce corpus que l’on trouve les œuvres les moins abouties au niveau du montage et de la direction d’acteur. Loin de nous, la nostalgie fleur bleue d’un âge d’or du cinéma burkinabè qui aurait existé avant ce millénaire, le lustre du passé est un leurre. Si nous avons eu deux étalons d’or avec Buud-yam de Gaston Kaboré et Tilaï d’Idrissa Ouédraogo, c’est un indice de qualité de ces films lauréats mais nullement une preuve suffisance de la vitalité de l’ensemble de notre cinéma de l’époque. On comprend que, devant le marasme du cinéma actuel dans le montage et la direction d’acteurs, les amoureux du cinéma aient tendance à regarder dans le rétroviseur et à enjoliver le passé.

L’avènement du montage à la tronçonneuse

Le montage et la photogénie (esthétique de l’image) sont les deux éléments qui constituent l’ADN du cinéma. Tous les autres éléments comme la mise en scène, la direction d’acteur se retrouvent aussi dans les autres arts. C’est dans le montage que se trouvent la composition d’ensemble, la structure narrative, le rythme et les relations entre les différents plans que sont les raccords. Robert Bresson disait d’ailleurs : « c’est qui est beau au cinéma, ce sont les raccords, c’est par les joints que pénètre la poésie ». Cela a fait dire que le cinéma est véritablement né avec le montage, c’est pourquoi La Naissance d’une nation de D. W. Griffith qui est le premier film à bénéficier d’une grammaire du montage, est considéré comme le premier véritable film. Dans cette logique, on peut dire que le cinéma burkinabè a renoncé à l’art à partir des années 2000 car les œuvres de cette décennie ont renoncé à penser le montage comme un aspect fondamental du film. Beaucoup d’œuvres sont montées si maladroitement qu’on les dirait faites dans un état second. Ces œuvres sont décousues et les raccords très approximatifs. C’est le montage, pourtant qui donne au film sa respiration, son impression de réalité et même sa poétique. Cependant, il est apparu une malheureuse tendance qui consiste à raccourcir des séries télé pour en faire des longs métrages au mépris de toutes les règles du montage, et le grave est que ce procédé est une insulte aux spectateurs. En 2001, Boubacar Diallo a inauguré cette mode consistant à attaquer une série télé à la tronçonneuse pour en faire un long métrage avec la bien nommée Série noire à Koudbi. Et depuis, la série noire du cinéma se poursuit avec des œuvres sauvagement mutilées. Au montage défaillant de ce cinéma, il faut ajouter la mauvaise prestation des comédiens.

Le cinéma Burkinabè a mal à sa direction d’acteurs.

Longtemps, les réalisateurs avaient majoritairement recours à des comédiens amateurs constitués d’amis et de parents. A partir des années 2000, avec l’entrée de comédiens professionnels ou semi-professionnels de théâtre sur les plateaux de tournage, on pensait que notre cinéma allait gagner un supplément de qualité. Las, les comédiens de théâtre y ont amené le jeu théâtral en déphasage avec le jeu exigé au cinéma, un jeu fait de retenue et d’économie. Cela a dénaturé le cinéma au lieu de le faire gagner en réalisme. Et tous les films de fiction actuels n’échappent pas à cette maladie de la théâtralisation. A contrario du théâtre, le jeu au cinéma participe de la mimésis, il imite le naturel. Faut-il jeter la pierre aux comédiens de théâtre? Non ! Un comédien, tout comme la caméra, est un instrument entre les mains du réalisateur, celui-ci doit savoir en user pour espérer en extraire toutes les potentialités. Ce problème n’est pas celui du comédien mais ressortit de la direction d’acteur. Tous les films et téléfilms Burkinabè de cette décennie ont mal à leur jeu d’acteurs, exception faite de la série Les éléphants se battent d’Abdoulaye Dao. Même des films récents de réalisateurs confirmés ont cette faiblesse. Par exemple, En attendant le vote…de Missa Hébié a bénéficié de la présence de l’un des meilleurs comédiens africain, Habib Dembélé, mais sa prestation fut une redite sans génie de son rôle dans Guimba de Cheick Omar Cissoko. Certainement que le réalisateur s’en est contenté. Même le dernier film de Pierre Yaméogo, Ba-yiri est plombé par la prestation mitigée des acteurs qui traversent le film tels des somnambules. Un acteur, même auréolé d’un grand prestige est pareil à un instrument de musique, le réalisateur doit savoir en jouer, pincer la bonne corde pour libérer la note appropriée. Si le réalisateur est mauvais musicien, même d’un stradivarius, il ne pourrait en tirer qu’un affreux crissement. Il faut donc que nos réalisateurs se forment à la direction d’acteurs ; à défaut il faudra qu’ils se fassent accompagner de metteurs en scène.
Quand un cinéma a mal à l’interprétation et au montage, il s’avance sur deux béquilles. Faut-il pour autant déduire que notre cinéma restera paraplégique ad vitam aeternam ? Pas du tout. Nous pensons que notre cinéma est en crise parce que la société burkinabè tout entière l’est. Souvent le renouveau artistique sort des périodes de crise. Nous sommes convaincu que l'accord heureux entre notre cinéma et la société se produira parce que de nouvelles oeuvres sont en train de naître et de jeunes créateurs de talents sont en train de poindre.

Saïdou Alcény Barry

lundi 12 septembre 2011

Jacob’s Cross : l’Afrique du Sud débarque sur nos petits écrans.

Longtemps les télévisions du Burkina ont été infestées par les insipides telenovelas et les séries africaines faites de bric-à-brac. Avec la programmation de la série Jacob’s cross sur la Télévision nationale du Burkina, l’Afrique du Sud s’invite dans nos foyers. Tout laisse croire que cette série sera culte.



Jacob’s cross se passe dans l’ Afrique du Sud post-apartheid. Jacob Makhubu(Hlomla Dandala) un jeune noir brillant et entreprenant, fils d’une célèbre chanteuse et d’un héros de la lutte anti-apartheid, rêve de bâtir un empire financier avec des capitaux africains. Sa trajectoire va croiser celle d’un richissime homme d’affaire nigérian, Chef Abayomi, propriétaire d’un holding qui possède des puits de pétrole, une chaîne hôtelière et de nombreuses autres affaires, celui-ci veut proposer une énergie propre, le nucléaire, au gouvernement sud-africain. Le magnat nigérian lui apprend qu’il est son fils. A la mort de celui-ci, devenu légataire de l’empire financier et de la famille, le jeune paterfamilias doit faire face aux dissensions familiales qui risquent de couler le holding familial. Le pétrole aiguille les appétits et transforme la famille en une mer pleine de requins affamés de sang. Son demi-frère Bola (Fabian Lojede) est prêt à tout, même à l’assassinat, pour éjecter l’intrus et récupérer un empire qu’il estime lui revenir de droit. Et les requins de la finance internationale aussi voudraient bien déchiqueter le blanc-bec. Mais Jacob peut compter sur son fidèle ami blanc (clin d’œil à la nation arc-en-ciel) Prospero (Anthony Bishop) et sa demi-sœur (Moky Makura).
Jacob’s cross expérimente le genre « way of live » qui permet de fusionner plusieurs genres. C’est une macédoine qui associe les affaires de cœur, de palpitantes aventures et le bling-bling de l’univers de la finance internationale. En outre, le scénario bien ficelé, truffé de rebondissements, et les dialogues sont bien balancés et mâtiné de réflexions fines empruntant à Shakespeare ou à la sagesse africaine. En associant l’amour, la finance et le drame familial autour d’une galerie de personnages enchâssés comme des poupées gigognes, on a un cocktail qui permet d’infinies variations.
Avec la qualité des images et du montage, cette série tranche avec ce qui se fait dans la sous-région. Le recours au très gros plan, façon clip publicitaire et le montage speed en font un joyau télévisuel. On est loin de ces sitcoms où les images se traînent comme des limaces. Et le choix du screen split, c’est-à-dire l’écran présentant concomitamment deux ou plusieurs actions est plus intéressant que le montage alterné. Cette série profite pleinement des avantages du numérique. Avec un clic de souris, on peut lustrer un visage, mettre plus de lumière dans une scène ou insérer une image. La beauté des images est ici, époustouflante. Le téléspectateur se sent happé par la télé, comme s’il était face à un film en 3D. Par ailleurs, cette série va créer l’addiction du téléspectateur. Des flash-back reconstituent les grands axes des épisodes passés en début d’épisode pour faciliter le suivi de la série par les retardataires et le gimmick (la croix d’Agadez dans le cerceau de feu) du générique sont des morceaux de bravoure qui marqueront durablement les téléspectateurs.
Et le dernier must de Jacob’s cross : vous ne verrez pas les townships vérolés de misère et ravagés par le sida. Ici tout est luxe, beauté et volupté. C’est un monde paradisiaque avec des éphèbes, des sirènes et de belles voitures. Univers de champagne et de caviar ! Mais contrairement aux séries étrangères, ce sont des Africains qui habitent ce Paradis. Avec cette série, le rêve a l’avantage d’être de la couleur café de notre peau !

jeudi 8 septembre 2011

Le vieil homme à la viole

Karim Ouédraogo est un mal voyant de Tanghin. Guidé par un garçonnet, il fait la tournée des espaces achalandés pour jouer de sa viole et chanter. C’est un obscur musicien qui, jamais n’aura de cassette ni de clip. Très peu connu, hormis de ceux, peu nombreux, qui ont eu le bonheur de croiser sa trajectoire. J’ai fait partie de ces rares élus, une nuit à Gourcy.

Cette nuit-là nous étions dans une auberge de Gourcy. La moiteur de l’air nous avait poussés hors des chambres transformées en étuve par la chaleur. Assis sur la terrasse, nous attendions que le mitan de la nuit nous amène un peu de fraîcheur et de sommeil. Un jeu de cartes miraculeusement apparu nous décida de jouer à la belote. Nous étions tout absorbés par la valse des cartes et la ronde des équipes autour de la table quand, soudain les aboiements du chien de la gérante et l’envol des pigeons dans un froufrou d’ailes signalèrent une présence. Un vieil homme se tenait sur le seuil, un bâton à la main, la viole en bandoulière et le visage scrutant le ciel étoilé. Un garçon d’une dizaine d’années se tenait à ses côtés. Nous pensions que le vieil homme avait perdu son chemin et que nos voix dans la nuit l’avaient guidé jusqu’à nous. Mais au lieu de demander sa route, il s’installa tranquillement dans un coin, à quelques mètres, se saisit de sa viole et se mit à en jouer. C’était une viole faite d’une casserole et d’un morceau de bois qui servait de manche et sur lequel étaient tendus des crins de cheval. L’archet était aussi fait de crins de cheval. Il le fit courir sur le manche et des gémissements de la viole montèrent dans les airs. Il chantait d’une voix chevrotante. Rapidement nous nous concertâmes et quelques piécettes d’argent furent rapidement réunies et remises au vieil homme. Nous pensions ainsi mettre fin à cette irruption et reprendre notre partie de cartes. Les pièces disparurent dans une poche du boubou du musicien et l’archet se mis à courir plus lestement sur le manche et le chant grimpa plus haut. Nous comprîmes que la partie de cartes était perdue et que le vieil musicien avait décidé d’installer ses quartiers sur nos terres. Il s’appelle Karim Ouédraogo de Tanghin. C’est un mal voyant. De ses yeux, « la divine étincelle est partie». Le garçonnet lui prête l’acuité de son regard en le guidant depuis qu’il est enfermé dans la nuit éternelle. Il pourrait tendre la sébile comme beaucoup d’aveugles pour bénéficier de la générosité des bonnes âmes. Mais conscient que « la pitié n’honore ni celui qui l’éprouve ni celui qui la suscite », il préfère jouer de la musique et mériter ce qu’on lui donne. De la musique contre du pain, un troc honnête !

Et cette nuit il joua de sa viole avec tant de maestria, faisant gémir l’instrument en chantant de sa voix éraillée des histoires tristes où il est question de mort, d’amours impossibles ou de batailles perdues. La musique devenait guillerette et sa main allegro quand il parlait de choses heureuses. Et pianissimo quand il se mettait à parler des choses de la vie et à dérouler des calembours ou des aphorismes tirés de sa longue vie. Quelques phrases me sont restées en mémoire telles: Celui qui dit que le coton ne pèse pas ne l’a pas porté pendant longtemps sur une longue distance ; la part du crapaud ne se trouve pas sur un arbre ; On ne peut empêcher les calomnies sur sa personne mais on doit agir de sorte qu’elles ne contiennent la plus petite part de vérité. Etre fidèle à soi reste le premier devoir…
Quand quelqu’un lui dit qu’il y avait beaucoup enseignants parmi nous, il fit un calembour en mooré sur l’enseignant « karamsamba » et le pouilleux « karansooba » pour dire que l’enseignent n’est pas un miséreux. C’était une belle trouvaille stylistique mais assez éloignée de la vérité. Il ignorait sûrement, le vieil homme, que c’est la chaleur qui lui fit trouver ces gens-là dehors et qu’à quelques mètres de là, se trouvait un motel avec des plumards moelleux et air conditionné qui versent un sommeil divin et que tous ces couche-tard d’enseignants auraient bien aimé être là-bas si la cherté de la nuitée ne leur donnait des insomnies. Mais là-bas, ils n’auraient pas eu droit à un concert nocturne et un cours du soir de sagesse africaine du vieil Homère de Tanghin !

Tard dans la nuit, dans la lumière d’albâtre de la lune, le vent frais tant espéré s’est mis à souffler. Nous aurions pu rejoindre nos chambres mais nous sommes restés à écouter les airs du vieil aède et ses sentences. Quand ils se sont retirés, le garçonnet devant et lui suivant le petit guide, nous sommes restés longtemps sur la terrasse, silencieux et heureux. Le vent nous ramenait l’écho de la voix chevrotante qui se diluait petit à petit dans la nuit.