L’Association des critiques de cinéma du Burkina (Ascric-B) a, pour la deuxième édition de la semaine de la critique, articulé sa réflexion autour du thème : « Cinéma burkinabè : la qualité artistique en question ; quels choix esthétiques et artistiques pour un renouvellement créatif ». C’est aussi l’occasion pour Projecteur de braquer le faisceau sur les deux faiblesses majeures du cinéma burkinabè à partir des années 2000, à savoir le montage et la direction d’acteurs.
Si nous limitons notre corpus aux films de la dernière décennie, c’est en raison de la multiplication des réalisateurs et des films, une effloraison due à la technologie numérique et surtout parce que c’est dans ce corpus que l’on trouve les œuvres les moins abouties au niveau du montage et de la direction d’acteur. Loin de nous, la nostalgie fleur bleue d’un âge d’or du cinéma burkinabè qui aurait existé avant ce millénaire, le lustre du passé est un leurre. Si nous avons eu deux étalons d’or avec Buud-yam de Gaston Kaboré et Tilaï d’Idrissa Ouédraogo, c’est un indice de qualité de ces films lauréats mais nullement une preuve suffisance de la vitalité de l’ensemble de notre cinéma de l’époque. On comprend que, devant le marasme du cinéma actuel dans le montage et la direction d’acteurs, les amoureux du cinéma aient tendance à regarder dans le rétroviseur et à enjoliver le passé.
L’avènement du montage à la tronçonneuse
Le montage et la photogénie (esthétique de l’image) sont les deux éléments qui constituent l’ADN du cinéma. Tous les autres éléments comme la mise en scène, la direction d’acteur se retrouvent aussi dans les autres arts. C’est dans le montage que se trouvent la composition d’ensemble, la structure narrative, le rythme et les relations entre les différents plans que sont les raccords. Robert Bresson disait d’ailleurs : « c’est qui est beau au cinéma, ce sont les raccords, c’est par les joints que pénètre la poésie ». Cela a fait dire que le cinéma est véritablement né avec le montage, c’est pourquoi La Naissance d’une nation de D. W. Griffith qui est le premier film à bénéficier d’une grammaire du montage, est considéré comme le premier véritable film. Dans cette logique, on peut dire que le cinéma burkinabè a renoncé à l’art à partir des années 2000 car les œuvres de cette décennie ont renoncé à penser le montage comme un aspect fondamental du film. Beaucoup d’œuvres sont montées si maladroitement qu’on les dirait faites dans un état second. Ces œuvres sont décousues et les raccords très approximatifs. C’est le montage, pourtant qui donne au film sa respiration, son impression de réalité et même sa poétique. Cependant, il est apparu une malheureuse tendance qui consiste à raccourcir des séries télé pour en faire des longs métrages au mépris de toutes les règles du montage, et le grave est que ce procédé est une insulte aux spectateurs. En 2001, Boubacar Diallo a inauguré cette mode consistant à attaquer une série télé à la tronçonneuse pour en faire un long métrage avec la bien nommée Série noire à Koudbi. Et depuis, la série noire du cinéma se poursuit avec des œuvres sauvagement mutilées. Au montage défaillant de ce cinéma, il faut ajouter la mauvaise prestation des comédiens.
Le cinéma Burkinabè a mal à sa direction d’acteurs.
Longtemps, les réalisateurs avaient majoritairement recours à des comédiens amateurs constitués d’amis et de parents. A partir des années 2000, avec l’entrée de comédiens professionnels ou semi-professionnels de théâtre sur les plateaux de tournage, on pensait que notre cinéma allait gagner un supplément de qualité. Las, les comédiens de théâtre y ont amené le jeu théâtral en déphasage avec le jeu exigé au cinéma, un jeu fait de retenue et d’économie. Cela a dénaturé le cinéma au lieu de le faire gagner en réalisme. Et tous les films de fiction actuels n’échappent pas à cette maladie de la théâtralisation. A contrario du théâtre, le jeu au cinéma participe de la mimésis, il imite le naturel. Faut-il jeter la pierre aux comédiens de théâtre? Non ! Un comédien, tout comme la caméra, est un instrument entre les mains du réalisateur, celui-ci doit savoir en user pour espérer en extraire toutes les potentialités. Ce problème n’est pas celui du comédien mais ressortit de la direction d’acteur. Tous les films et téléfilms Burkinabè de cette décennie ont mal à leur jeu d’acteurs, exception faite de la série Les éléphants se battent d’Abdoulaye Dao. Même des films récents de réalisateurs confirmés ont cette faiblesse. Par exemple, En attendant le vote…de Missa Hébié a bénéficié de la présence de l’un des meilleurs comédiens africain, Habib Dembélé, mais sa prestation fut une redite sans génie de son rôle dans Guimba de Cheick Omar Cissoko. Certainement que le réalisateur s’en est contenté. Même le dernier film de Pierre Yaméogo, Ba-yiri est plombé par la prestation mitigée des acteurs qui traversent le film tels des somnambules. Un acteur, même auréolé d’un grand prestige est pareil à un instrument de musique, le réalisateur doit savoir en jouer, pincer la bonne corde pour libérer la note appropriée. Si le réalisateur est mauvais musicien, même d’un stradivarius, il ne pourrait en tirer qu’un affreux crissement. Il faut donc que nos réalisateurs se forment à la direction d’acteurs ; à défaut il faudra qu’ils se fassent accompagner de metteurs en scène.
Quand un cinéma a mal à l’interprétation et au montage, il s’avance sur deux béquilles. Faut-il pour autant déduire que notre cinéma restera paraplégique ad vitam aeternam ? Pas du tout. Nous pensons que notre cinéma est en crise parce que la société burkinabè tout entière l’est. Souvent le renouveau artistique sort des périodes de crise. Nous sommes convaincu que l'accord heureux entre notre cinéma et la société se produira parce que de nouvelles oeuvres sont en train de naître et de jeunes créateurs de talents sont en train de poindre.
Saïdou Alcény Barry
Si nous limitons notre corpus aux films de la dernière décennie, c’est en raison de la multiplication des réalisateurs et des films, une effloraison due à la technologie numérique et surtout parce que c’est dans ce corpus que l’on trouve les œuvres les moins abouties au niveau du montage et de la direction d’acteur. Loin de nous, la nostalgie fleur bleue d’un âge d’or du cinéma burkinabè qui aurait existé avant ce millénaire, le lustre du passé est un leurre. Si nous avons eu deux étalons d’or avec Buud-yam de Gaston Kaboré et Tilaï d’Idrissa Ouédraogo, c’est un indice de qualité de ces films lauréats mais nullement une preuve suffisance de la vitalité de l’ensemble de notre cinéma de l’époque. On comprend que, devant le marasme du cinéma actuel dans le montage et la direction d’acteurs, les amoureux du cinéma aient tendance à regarder dans le rétroviseur et à enjoliver le passé.
L’avènement du montage à la tronçonneuse
Le montage et la photogénie (esthétique de l’image) sont les deux éléments qui constituent l’ADN du cinéma. Tous les autres éléments comme la mise en scène, la direction d’acteur se retrouvent aussi dans les autres arts. C’est dans le montage que se trouvent la composition d’ensemble, la structure narrative, le rythme et les relations entre les différents plans que sont les raccords. Robert Bresson disait d’ailleurs : « c’est qui est beau au cinéma, ce sont les raccords, c’est par les joints que pénètre la poésie ». Cela a fait dire que le cinéma est véritablement né avec le montage, c’est pourquoi La Naissance d’une nation de D. W. Griffith qui est le premier film à bénéficier d’une grammaire du montage, est considéré comme le premier véritable film. Dans cette logique, on peut dire que le cinéma burkinabè a renoncé à l’art à partir des années 2000 car les œuvres de cette décennie ont renoncé à penser le montage comme un aspect fondamental du film. Beaucoup d’œuvres sont montées si maladroitement qu’on les dirait faites dans un état second. Ces œuvres sont décousues et les raccords très approximatifs. C’est le montage, pourtant qui donne au film sa respiration, son impression de réalité et même sa poétique. Cependant, il est apparu une malheureuse tendance qui consiste à raccourcir des séries télé pour en faire des longs métrages au mépris de toutes les règles du montage, et le grave est que ce procédé est une insulte aux spectateurs. En 2001, Boubacar Diallo a inauguré cette mode consistant à attaquer une série télé à la tronçonneuse pour en faire un long métrage avec la bien nommée Série noire à Koudbi. Et depuis, la série noire du cinéma se poursuit avec des œuvres sauvagement mutilées. Au montage défaillant de ce cinéma, il faut ajouter la mauvaise prestation des comédiens.
Le cinéma Burkinabè a mal à sa direction d’acteurs.
Longtemps, les réalisateurs avaient majoritairement recours à des comédiens amateurs constitués d’amis et de parents. A partir des années 2000, avec l’entrée de comédiens professionnels ou semi-professionnels de théâtre sur les plateaux de tournage, on pensait que notre cinéma allait gagner un supplément de qualité. Las, les comédiens de théâtre y ont amené le jeu théâtral en déphasage avec le jeu exigé au cinéma, un jeu fait de retenue et d’économie. Cela a dénaturé le cinéma au lieu de le faire gagner en réalisme. Et tous les films de fiction actuels n’échappent pas à cette maladie de la théâtralisation. A contrario du théâtre, le jeu au cinéma participe de la mimésis, il imite le naturel. Faut-il jeter la pierre aux comédiens de théâtre? Non ! Un comédien, tout comme la caméra, est un instrument entre les mains du réalisateur, celui-ci doit savoir en user pour espérer en extraire toutes les potentialités. Ce problème n’est pas celui du comédien mais ressortit de la direction d’acteur. Tous les films et téléfilms Burkinabè de cette décennie ont mal à leur jeu d’acteurs, exception faite de la série Les éléphants se battent d’Abdoulaye Dao. Même des films récents de réalisateurs confirmés ont cette faiblesse. Par exemple, En attendant le vote…de Missa Hébié a bénéficié de la présence de l’un des meilleurs comédiens africain, Habib Dembélé, mais sa prestation fut une redite sans génie de son rôle dans Guimba de Cheick Omar Cissoko. Certainement que le réalisateur s’en est contenté. Même le dernier film de Pierre Yaméogo, Ba-yiri est plombé par la prestation mitigée des acteurs qui traversent le film tels des somnambules. Un acteur, même auréolé d’un grand prestige est pareil à un instrument de musique, le réalisateur doit savoir en jouer, pincer la bonne corde pour libérer la note appropriée. Si le réalisateur est mauvais musicien, même d’un stradivarius, il ne pourrait en tirer qu’un affreux crissement. Il faut donc que nos réalisateurs se forment à la direction d’acteurs ; à défaut il faudra qu’ils se fassent accompagner de metteurs en scène.
Quand un cinéma a mal à l’interprétation et au montage, il s’avance sur deux béquilles. Faut-il pour autant déduire que notre cinéma restera paraplégique ad vitam aeternam ? Pas du tout. Nous pensons que notre cinéma est en crise parce que la société burkinabè tout entière l’est. Souvent le renouveau artistique sort des périodes de crise. Nous sommes convaincu que l'accord heureux entre notre cinéma et la société se produira parce que de nouvelles oeuvres sont en train de naître et de jeunes créateurs de talents sont en train de poindre.
Saïdou Alcény Barry
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