Naissance de lin tianmiao |
Mons est la
capitale européenne de la culture 2015.
Dans ce cadre, il est organisé plusieurs expositions dont l’expo Chine
Ardente aux Anciens abattoirs de la ville belge. Cette expo regroupe les
sculptures d’une vingtaine d’artistes
contemporains de l’Empire du Milieu. Ce sont des œuvres monumentales. Projecteur
s’est intéressé aux artistes femmes de
cette expo. Leurs œuvres sont fortes et leur discours intéressant.
De l’art en Chine, on connaît la peinture à l’encre et au
pinceau et très peu la sculpture. Pourtant les Chinois pratiquent la sculpture
depuis longtemps. En témoigne les Armées de terre cuite, ces sculptures de
soldats en argile trouvées dans le Mausolée de l’Empereur Qin.
Dans l’expo Chine
Ardente, non seulement les œuvres sont gigantesques mais en plus, ces
artistes contemporains explorent une
diversité de matériaux allant des plus durs comme l’acier aux plus fragiles
comme le verre. Et tous questionnent la Chine moderne, prise entre la frénésie
du développement industriel uniformisant et destructeur et la nécessité de
préserver l’homme et la nature.
Parmi ces artistes, il y a
bien heureusement des femmes. Ce qui contredit la vision machiste qui
veut que cette discipline de « casseurs de pierres » exige de
la force et soit donc du domaine des hommes. Bien évidemment les hommes restent
majoritaires dans cette expo mais la présence de ces femmes détonne.
Il y a Lin Tianmiao dont l’œuvre Naissance est une femme nue accroupie dans la position de celui qui se soulage en rase campagne, elle pond des
œufs de différentes volumes, une centaine œufs
disposés sur la pelouse. La tête de la femme est remplacée par un écran
d’ordinateur, lui donnant un air de cyborg. L’artiste s’est servi du moulage de son propre corps pour
réaliser cette sculpture.
Cette œuvre est inspirée
d’une légende entendue dans son enfance et qui avait traumatisée l’artiste. Naissance tente d’exorciser la peur qu’elle éprouva de
devenir un animal non mammifère. On sait par ailleurs que la Chine est confrontée
à un problème de démographie et les
naissances y sont contrôlées et
limitées. Alors, on imagine que Lin, par cette femme mi-humaine mi-robot qui pond
autant d’œufs, questionne la maternité et le traumatisme lié à celle-ci dans un
pays où il est à la limite interdit de procréer.
Il est intéressant de noter que pour un spectateur d’une
autre culture, la lecture pourrait être tout autre. Ainsi pour nous, cette
sculpture de femme pondeuse évoque la sorcière mangeuse d’âme dont on dit qu’elle vole la nuit comme un oiseau pour
aller prendre les âmes et qu’elle pond des œufs mous et incassables.
A côté de Lin, il y a Al Jin, une artiste chinoise, écrivain et
chanteuse qui vit à New York. Son œuvre, l’Arbre
de vie, est constituée de milliers de baguettes ; un corbeau est posé
sur une des branches. Le titre est ironique parce que c’est un arbre sans
feuilles et le corbeau est un signe de malheur dans beaucoup de sociétés. Al
Jin veut attirer l’attention sur la destruction des forêts par ces compatriotes.
Chaque année des millions d’arbres sont abattus pour offrir des baguettes de
bois aux Chinois.
Enfin, la troisième artiste est Xian Jing et son œuvre s’intitule Ton
Corps. C’est une femme dans toute sa nudité. Mais une femme si gigantesque qu’elle
écrase tout. L’artiste se joue du
prétendu érotisme du nu féminin en créant un nu qui ne l’est pas du tout. Effectivement
le gigantisme de l’œuvre impose au spectateur un regard de respect sur ce corps. Xian Jing n’utilisant pas de
modèle, aucune femme n’a posé pour créer
ce nu monumental.
On peut se demander, au vu de ces œuvres, s’il y a une
sculpture féminine comme il y a une littérature féminine comme le veulent les études de genre. Ce qui est certain, ce
que la place de la Femme, de la maternité, du corps, du rapport à la nature sont
des préoccupations de ces trois artistes. On ne parle bien que de ce que l’on
connaît, en premier de soi-même.
Au sortir de cette monumentale exposition, on a le sentiment
que la Chine s’est éveillée comme le prophétisait Alain Peyrefitte non
seulement comme puissance économique mais aussi comme un potentiel premier
centre de création artistique. Et Pékin pourrait être la future capitale
mondiale de l’art.
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