Enfance piégée est un documentaire de Fousséni Kindo produit par Semfilms. Ce film met le doigt sur un problème de société au Burkina : le mariage précoce. Un film touchant et sans pathos.
Deux pièges guettent très souvent le cinéma de sensibilisation : la sensiblerie et le prêche moralisateur. Ce film a réussi à contourner ces Charybde et Scylla du docu. On n’y verra aucun gros plan sur un œil qui s’humecte de larmes, sur une lèvre qui frémit ou une poitrine qui se soulève sous un sanglot. Aussi les spectateurs habitués à suivre le malheur des hommes à l’écran avec un paquet de kleenex seront-ils fortement déçus. Ceux aussi qui opinent du chef de contentement devant le discours moralisateur des documentaires seront bien frustrés par cette absence de leçon.
En effet, Enfance piégée a choisi la distance du reportage, la caméra posée à distance et de manière frontale. Se contentant de regarder et d’écouter, la caméra n’entre jamais à l’intérieur des cases, il n’y a aucun plan subjectif. Et tous les protagonistes bénéficient du même traitement : égal éclairage, même écoute de sorte que personne n’a le mauvais rôle, cinématographiquement parlant. L’image tend à la neutralité. Pourtant la tentation est grande dans ce cas d’espèce de manipuler l’image à travers l’éclairage et le montage. Cette asepsie des images sert bien le propos du film même si c’est un choix qui rend le film monotone.
Le film s’ouvre sur une femme et une jeune fille qui marchent dans un paysage austère, une montagne se découpe dans l’arrière-plan. C’est l’Est du Burkina. La jeune fille n’est pas la fille mais la coépouse de la femme, nous apprend le commentaire en off. Enfance piégée suit le parcours de cette jeune fille, Assétou, précocement mariée à 15 ans à un vieil homme par son grand père. Refusant de consommer le mariage, elle trouve l’appui du service de l’Assistance sociale et de la justice pour se libérer. Au bout du combat, elle retournera chez son mari. Vaincue !
Enfance piégée retrace cette odyssée pour la liberté, donne la parole aux différents protagonistes sans y tomber dans le manichéisme. Il n’y a pas de héros et des méchants dans ce film, juste des représentants de deux mondes qui s’affrontent, chacun adossé à des valeurs qu’il croit justes. Le grand-père d’Assétou, qui a jeté sa petite fille dans les serres d’un prédateur, est convaincu de son bon droit. Il convoque le Coran et la coutume pour justifier son acte. Le juge et l’assistante sociale défendent la pauvre fille au nom du droit de la personne humaine à disposer de sa vie et à choisir librement son conjoint.
Le film met face-à-face deux conceptions de la personne humaine complètement opposées mais celles-ci sont portées par des citoyens d’un même pays. C’est cette fracture entre l'Etat et l’arrière pays qui fait froid dans le dos. Et surtout que de cette Guerre des mondes, ce n’est pas le nouveau qui triomphe mais l’antique, ce n’est pas la modernité mais le moyen-âge qui est le plus fort. Assétou ne sera pas sauvée, malgré l’assistance sociale, malgré la justice, elle se pliera à la loi du clan.
On connaît l’intention du réalisateur, on sait qu’il est pour un pays où les jeunes filles iront à l’école, vivront librement leur amour mais il ne le crie pas à fort renfort de pathos. Jamais Assétou n’est montrée pour quémander la pitié du spectateur, elle ne pleure pas, ne se plaint pas. Elle reste digne, emmurée dans son silence. Et c’est ce silence de cette enfant qui reste, longtemps après le générique de fin. C’est aussi la qualité de ce film de n’être pas tombé dans le bavardage militant et d’avoir mis un visage sur un problème de société.
Il ne s’agit plus de lutter contre le mariage précoce qui est un principe mais de donner un visage à cette barbarie. Et ce visage, c’est celui de la jeune Assétou, la Piéta du Gourma, revenue dans la maison de son bourreau, pour que son fils, fruit du viol, ait un père, fut-il vieux et haï d’elle. Un retour en Enfer sous le regard impuissant des législateurs ! C’est cette énormité-là que le documentaire de Fousséni Kindo met sous les yeux du spectateur. Une pratique enracinée et figée comme la montagne du Gomnngou présente en arrière plan dans tout le film. Tout simplement !
Ce documentaire est sélectionné pour le festival Vues d’Afrique de Montréal.
Deux pièges guettent très souvent le cinéma de sensibilisation : la sensiblerie et le prêche moralisateur. Ce film a réussi à contourner ces Charybde et Scylla du docu. On n’y verra aucun gros plan sur un œil qui s’humecte de larmes, sur une lèvre qui frémit ou une poitrine qui se soulève sous un sanglot. Aussi les spectateurs habitués à suivre le malheur des hommes à l’écran avec un paquet de kleenex seront-ils fortement déçus. Ceux aussi qui opinent du chef de contentement devant le discours moralisateur des documentaires seront bien frustrés par cette absence de leçon.
En effet, Enfance piégée a choisi la distance du reportage, la caméra posée à distance et de manière frontale. Se contentant de regarder et d’écouter, la caméra n’entre jamais à l’intérieur des cases, il n’y a aucun plan subjectif. Et tous les protagonistes bénéficient du même traitement : égal éclairage, même écoute de sorte que personne n’a le mauvais rôle, cinématographiquement parlant. L’image tend à la neutralité. Pourtant la tentation est grande dans ce cas d’espèce de manipuler l’image à travers l’éclairage et le montage. Cette asepsie des images sert bien le propos du film même si c’est un choix qui rend le film monotone.
Le film s’ouvre sur une femme et une jeune fille qui marchent dans un paysage austère, une montagne se découpe dans l’arrière-plan. C’est l’Est du Burkina. La jeune fille n’est pas la fille mais la coépouse de la femme, nous apprend le commentaire en off. Enfance piégée suit le parcours de cette jeune fille, Assétou, précocement mariée à 15 ans à un vieil homme par son grand père. Refusant de consommer le mariage, elle trouve l’appui du service de l’Assistance sociale et de la justice pour se libérer. Au bout du combat, elle retournera chez son mari. Vaincue !
Enfance piégée retrace cette odyssée pour la liberté, donne la parole aux différents protagonistes sans y tomber dans le manichéisme. Il n’y a pas de héros et des méchants dans ce film, juste des représentants de deux mondes qui s’affrontent, chacun adossé à des valeurs qu’il croit justes. Le grand-père d’Assétou, qui a jeté sa petite fille dans les serres d’un prédateur, est convaincu de son bon droit. Il convoque le Coran et la coutume pour justifier son acte. Le juge et l’assistante sociale défendent la pauvre fille au nom du droit de la personne humaine à disposer de sa vie et à choisir librement son conjoint.
Le film met face-à-face deux conceptions de la personne humaine complètement opposées mais celles-ci sont portées par des citoyens d’un même pays. C’est cette fracture entre l'Etat et l’arrière pays qui fait froid dans le dos. Et surtout que de cette Guerre des mondes, ce n’est pas le nouveau qui triomphe mais l’antique, ce n’est pas la modernité mais le moyen-âge qui est le plus fort. Assétou ne sera pas sauvée, malgré l’assistance sociale, malgré la justice, elle se pliera à la loi du clan.
On connaît l’intention du réalisateur, on sait qu’il est pour un pays où les jeunes filles iront à l’école, vivront librement leur amour mais il ne le crie pas à fort renfort de pathos. Jamais Assétou n’est montrée pour quémander la pitié du spectateur, elle ne pleure pas, ne se plaint pas. Elle reste digne, emmurée dans son silence. Et c’est ce silence de cette enfant qui reste, longtemps après le générique de fin. C’est aussi la qualité de ce film de n’être pas tombé dans le bavardage militant et d’avoir mis un visage sur un problème de société.
Il ne s’agit plus de lutter contre le mariage précoce qui est un principe mais de donner un visage à cette barbarie. Et ce visage, c’est celui de la jeune Assétou, la Piéta du Gourma, revenue dans la maison de son bourreau, pour que son fils, fruit du viol, ait un père, fut-il vieux et haï d’elle. Un retour en Enfer sous le regard impuissant des législateurs ! C’est cette énormité-là que le documentaire de Fousséni Kindo met sous les yeux du spectateur. Une pratique enracinée et figée comme la montagne du Gomnngou présente en arrière plan dans tout le film. Tout simplement !
Ce documentaire est sélectionné pour le festival Vues d’Afrique de Montréal.
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