Ce documentaire de Werner Herzog rend compte de la fête de la séduction ou Gerewole qu’organisent les Wodaabé pour célébrer la beauté et l’élégance des hommes de la tribu. Entre les témoignages et les préparatifs de la fête, le film évoque le mode d’existence et la menace qui pèse sur les traditions de ce peuple pris en étau entre la nature devenue inhospitalière et la broyeuse de la modernité.
Ils sont un sous-groupe des Peuls et vivent au Niger. On les appelle Wodaabé ou Bororos. Les autres Peuls les nomment Wodaabé, c’est-à-dire « les Proscrits » parce qu’ils ont refusé l’islamisation et son orthodoxie. Les haoussa et les Djerma les appelle avec mépris Bororos, du nom de leurs zébus. Mais eux se considèrent comme les « Hommes purs de tout tabou et les plus beaux de la terre ».
Le film s’ouvre avec un travelling sur des visages souriants, fardés de jaune or, les sourcils soulignés au charbon, un trait doré court du milieu du front jusque sur l’arête du nez et en souligne la parfaite droiture, les dents ont la blancheur du lait et les yeux d’un blanc coton, immenses tournent dans tous les sens. Les cheveux sont tressés et une plume d’autruche est fichée sur la tête. A la finesse des traits, à la sveltesse des corps, on croira que ce sont des femmes. Mais non ! Ceci est la parade de la séduction des plus beaux spécimens mâles de chaque famille ; chacun espère accrocher le regard et le cœur d’une belle jeune fille qui partagera avec lui une nuit d’amour ou toute la vie si affinité. Parées de leurs plus beaux atours, les jeunes filles choisiront parmi ces éphèbes celui qui incarne le plus l’idéal masculin selon les canons de beauté des Wodaabé. Comme quoi, les sociétés traditionnelles ne sont pas aussi phallocrates qu’on le croit.
Cette cérémonie filmée par Herzog en 1984 est spéciale car elle intervient après quatre ans de rupture due à une longue sécheresse qui a décimé le cheptel des Wodaabé, ces zébus aux cornes en forme de croissant de lune pareils à ceux que l’on trouve sur les fresques dans les grottes du Tassili. Une sècheresse qui a éparpillés ce peuple de pasteurs dans toutes les directions, qui pour se faire ouvrier dans les champs de cultures, qui pour travailler dans les villes. L’abondante saison pluvieuse de l’année 84 a reverdi les pâturages et a rempli les rivières. L’élevage redevenant possible, les Wodaabé sont revenus sur leurs terres. Tous les quatorze lignages de la tribu sont là pour ressusciter la fête de la séduction. Des campements sont rapidement dressés. Des mariages sont célébrés. Des démonstrations de dressage de chameau ont lieu. Les réjouissances dureront cinq jours et cinq nuits. Des drogues à base de racines aident les hommes et femmes à vaincre la fatigue et le sommeil. Et la caméra musarde dans le campement et suit les hommes qui s’apprêtent pour le Geerewole. Séance de maquillage avec du beurre et des colorants naturels. Du charbon pillé redessine les contours des lèvres et les sourcils. Un miroir surgit souvent entre les mains pour renseigner sur le degré de métamorphose de ces Narcisse du sahel !
Le spectre de la grande famine hante toujours les esprits car elle a jeté les Wodaabé sur les chemins de l’exode rural. Beaucoup se sont rués vers les mines d’uranium d’Arlit comme des phalènes sur une flamme et s’y sont brûlés les ailes. Devenus ouvriers vivotant dans des bidonvilles ou dans des camps de réfugiés, ils vivent mal cette situation contre-nature qui fait de ces familiers des grands espaces des prisonniers confinés dans des abris pour crève-la-faim. Et même s’ils font provision d’espérance devant l’abondance de cette saison, ils savent qu’ils sont un peuple en sursis et qu’une autre sécheresse sonnera pour eux les trompettes de l’apocalypse.
La caméra de Herzog a compris qu’elle est témoin d’un monde finissant, aussi traîne-t-elle sur les choses, s’attardant sur les visages comme un œil ami se pose longtemps sur un agonisant pour graver chaque détail dans la mémoire, conscient qu’il ne le reverra plus. Ce peuple qui a su résister à tous les impérialismes, qu’ils soient islamiques ou chrétiens, qui a conserver ses traditions et sa vision du monde dans sa pureté originelle est à sur le point de disparaître, vaincu par les calamités naturels et le rouleau compresseur de la modernité. Ce dernier ilot de pureté culturelle va sombrer dans l’océan de l’uniformisation des cultures et l’Etat nigérien détourne le regard.
D’ailleurs l’image qui clôt le documentaire d’une quarantaine de minutes est sans équivoque. C’est un monde crépusculaire et des ombres chinoises d’un berger Wodaabe et son chameau traversant un pont envahi par les automobiles. Sans soleil, les bergers du soleil sont comme des abeilles : le chemin de retour à la ruche est perdu. Ainsi ce Wodaabé qui tente de se frayer difficilement un chemin dans la frénésie des objets de la modernité est, à n’en pas douter, la métonymie d’un peuple désorienté. Ce film de Werner Herzog est poignant et d’une grande beauté. Seule incongruité : la musique classique qui accompagne le film. Des chants Wodaabe auraient été plus indiqués pour dire le chant de cygne de cet admirable peuple.
Ils sont un sous-groupe des Peuls et vivent au Niger. On les appelle Wodaabé ou Bororos. Les autres Peuls les nomment Wodaabé, c’est-à-dire « les Proscrits » parce qu’ils ont refusé l’islamisation et son orthodoxie. Les haoussa et les Djerma les appelle avec mépris Bororos, du nom de leurs zébus. Mais eux se considèrent comme les « Hommes purs de tout tabou et les plus beaux de la terre ».
Le film s’ouvre avec un travelling sur des visages souriants, fardés de jaune or, les sourcils soulignés au charbon, un trait doré court du milieu du front jusque sur l’arête du nez et en souligne la parfaite droiture, les dents ont la blancheur du lait et les yeux d’un blanc coton, immenses tournent dans tous les sens. Les cheveux sont tressés et une plume d’autruche est fichée sur la tête. A la finesse des traits, à la sveltesse des corps, on croira que ce sont des femmes. Mais non ! Ceci est la parade de la séduction des plus beaux spécimens mâles de chaque famille ; chacun espère accrocher le regard et le cœur d’une belle jeune fille qui partagera avec lui une nuit d’amour ou toute la vie si affinité. Parées de leurs plus beaux atours, les jeunes filles choisiront parmi ces éphèbes celui qui incarne le plus l’idéal masculin selon les canons de beauté des Wodaabé. Comme quoi, les sociétés traditionnelles ne sont pas aussi phallocrates qu’on le croit.
Cette cérémonie filmée par Herzog en 1984 est spéciale car elle intervient après quatre ans de rupture due à une longue sécheresse qui a décimé le cheptel des Wodaabé, ces zébus aux cornes en forme de croissant de lune pareils à ceux que l’on trouve sur les fresques dans les grottes du Tassili. Une sècheresse qui a éparpillés ce peuple de pasteurs dans toutes les directions, qui pour se faire ouvrier dans les champs de cultures, qui pour travailler dans les villes. L’abondante saison pluvieuse de l’année 84 a reverdi les pâturages et a rempli les rivières. L’élevage redevenant possible, les Wodaabé sont revenus sur leurs terres. Tous les quatorze lignages de la tribu sont là pour ressusciter la fête de la séduction. Des campements sont rapidement dressés. Des mariages sont célébrés. Des démonstrations de dressage de chameau ont lieu. Les réjouissances dureront cinq jours et cinq nuits. Des drogues à base de racines aident les hommes et femmes à vaincre la fatigue et le sommeil. Et la caméra musarde dans le campement et suit les hommes qui s’apprêtent pour le Geerewole. Séance de maquillage avec du beurre et des colorants naturels. Du charbon pillé redessine les contours des lèvres et les sourcils. Un miroir surgit souvent entre les mains pour renseigner sur le degré de métamorphose de ces Narcisse du sahel !
Le spectre de la grande famine hante toujours les esprits car elle a jeté les Wodaabé sur les chemins de l’exode rural. Beaucoup se sont rués vers les mines d’uranium d’Arlit comme des phalènes sur une flamme et s’y sont brûlés les ailes. Devenus ouvriers vivotant dans des bidonvilles ou dans des camps de réfugiés, ils vivent mal cette situation contre-nature qui fait de ces familiers des grands espaces des prisonniers confinés dans des abris pour crève-la-faim. Et même s’ils font provision d’espérance devant l’abondance de cette saison, ils savent qu’ils sont un peuple en sursis et qu’une autre sécheresse sonnera pour eux les trompettes de l’apocalypse.
La caméra de Herzog a compris qu’elle est témoin d’un monde finissant, aussi traîne-t-elle sur les choses, s’attardant sur les visages comme un œil ami se pose longtemps sur un agonisant pour graver chaque détail dans la mémoire, conscient qu’il ne le reverra plus. Ce peuple qui a su résister à tous les impérialismes, qu’ils soient islamiques ou chrétiens, qui a conserver ses traditions et sa vision du monde dans sa pureté originelle est à sur le point de disparaître, vaincu par les calamités naturels et le rouleau compresseur de la modernité. Ce dernier ilot de pureté culturelle va sombrer dans l’océan de l’uniformisation des cultures et l’Etat nigérien détourne le regard.
D’ailleurs l’image qui clôt le documentaire d’une quarantaine de minutes est sans équivoque. C’est un monde crépusculaire et des ombres chinoises d’un berger Wodaabe et son chameau traversant un pont envahi par les automobiles. Sans soleil, les bergers du soleil sont comme des abeilles : le chemin de retour à la ruche est perdu. Ainsi ce Wodaabé qui tente de se frayer difficilement un chemin dans la frénésie des objets de la modernité est, à n’en pas douter, la métonymie d’un peuple désorienté. Ce film de Werner Herzog est poignant et d’une grande beauté. Seule incongruité : la musique classique qui accompagne le film. Des chants Wodaabe auraient été plus indiqués pour dire le chant de cygne de cet admirable peuple.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire