Les Borgia ! Comment une famille de la Renaissance italienne reste-t-elle aussi présente dans les arts et les lettres ? Motif de beaucoup de romans, sujet d’opéra, de cinéma, de télévision et même d’essais politiques, les excès et les crimes des Borgia suscitent toujours notre intérêt. Pourquoi ?
Il est sidérant de constater la permanence des Borgia dans les arts. Il s’agit du Pape Alexandre VI, son fils César Borgia et sa fille Lucrèce Borgia. Pourquoi cette famille italienne du 15 siècle, attire les artistes depuis si longtemps ? En 1833 déjà, Victor Hugo écrit un drame en 3 actes, Lucrèce Borgia. Peu après, Alexandre Dumas qui fouille dans les combles de l’histoire pour bâtir ces feuilletons consacre un chapitre de ses Crimes célèbres au Borgia. Et la poésie de se jeter dans les bauges borgiasques avec, en 1866, Verlaine qui intitule un des Poèmes saturniens "César Borgia". Donizetti aussi s’inspire du drame d’Hugo et crée un opéra éponyme! Au 20ème et 21ème siècles, c’est le cinéma et la télévision qui s’emparent durablement de la légende des Borgia. Une bonne dizaine de films ont été réalisés de 1909 à 2006, année où deux long-métrages ont été présentés sur les écrans. À la télévision, deux fictions sont produites dans la décennie 70-80. La première est française, Les Borgia ou le sang doré, la seconde est une production anglo-italienne, The Borgias.
Pour comprendre cet attrait des artistes pour les Borgia, faisons un peu d’histoire. En 1492, Rodrigo Borgia, neveu du pape défunt Calixte Borgia, devient pape à 36 ans sous le nom d’Alexandre VI. De pape, il n’a que la tiare, et ne sert qu’un seul dieu : lui-même. Assoiffé d’or et de toutes les richesses, il décida d’hériter de ses cardinaux et aida souvent le destin avec un poignard ou un poison pour faire passer de vie à trépas ceux qui trainaient un peu à rendre leur âme au Seigneur. Dirigeant la papauté avec un grand népotisme, il fit venir ses cousins aux affaires, leur distribua terres et domaines. Mais c’est son fils César qui bénéficia durablement du piston paternel ou disons de l’ascenseur tant son ascension fut fulgurante : à sept ans il est protonotaire de la Papauté, à 17 ans évêque de Pamplona et archevêque de Valencia, et à 18 ans Cardinal ! Après il le fit ôter la soutane pour l’épée et l’aida à régner sur le pays sous le nom de duc de la Romagne.
Par ailleurs, Il faut souligner que le pape et son fils sont de grands sybarites. En effet, le pape Alexandre VI organise urbi et orbi ou pour dire juste urbi et orgies des soirées de débauche à côté desquelles les soirées Bunga Bunga de Berlusconi sont des distractions de saints ; une célèbre orgie restée dans les annales fut celle avec cinquante courtisanes. Parmi les invités se trouvait son fils César ! Il faut dire que le père et le fils qui ne craignaient pas le Saint d’Esprit, s’aidaient de la poudre de cantharide pour se donner du tonus dans les reins et aussi pour se débarrasser de leurs ennemis : une pincée pour retrouver la vigueur d’un taureau dans le plumard, deux à trois pincées de plus dans le vin d’un convive pour l’envoyer ad patres. César prit tellement goût à ces petits meurtres entre amis qu’il les étendit à son frère Juan, assassiné et jetée dans le Tibre par ses sicaires et à son beau-frère Alphonse d’Aragon, l’époux de Lucrèce. Devenu maître dans les intrigues de palais et l’assassinat des opposants, il attira à sa cour les élites romaines. Leonard de Vinci, le génial inventeur et ingénieur italien dessina arbalètes, canons, chars, catapultes et béliers pour sa sanglante armée. Machiavel séduit par César écrivit le Prince, le livre de chevet de tous les hommes politiques contemporains, en s’inspirant de son mode de gestion du pouvoir. On voit que la concussion entre la tyrannie et l’intelligentsia ne date pas d’aujourd’hui.
Quid de Lucrèce Borgia ? L’histoire retient que c’est une très belle femme mais une incestueuse. Avec le père et avec le frère. En réalité, il fut un objet entre les mains de son père. Voulant la placer dans une famille de la noblesse, il obligea son premier mari à dire publiquement que leur mariage ne fut pas consommé. Ce qui fut fait mais la belle dame était déjà enceinte. Ce qui n’entrava d’ailleurs pas le second mariage, et une bulle papale reconnu l’enfant comme fils de César et ensuite du pape lui-même. Mais rendons justice à l’injuste Alexandre et à ses enfants. Il n’est pas le père incestueux que nous vend la légende. Mais, en vrai grippe- sou, il ne voulait pas que l’héritage de la famille échût à un enfant bâtard. D’où la falsification du bulletin de naissance. A la mort d’Alexandre VI à 72 ans, son fils César fut embastillé et sa fille Lucrèce s’emmura d’elle-même dans un cloître. Ici, finit l’histoire et là, commence la légende noire des Borgia qui continue à inspirer écrivains et cinéastes.
Quelle morale tirer de cette histoire ? Pourquoi notre époque s’intéresse-t-elle plus au Borgia qu’aux Atrides qui ont fait le sel des tragédies grecques. Certainement parce que les Borgia existent à toutes les époques. Nietzsche ne parle-t-il pas de l’éternel retour pour expliquer que tout fait se répète indéfiniment? Et le Bouddhisme n’évoque-t-il pas la réitération des phénomènes à travers la réincarnation du Karma ? Peut-on dire que sur tous les continents, à chaque époque, il existe des Borgia Noirs, Blancs, Jaunes et Rouges ? Les Borgia seraient donc un prétexte pour les artistes de parler des monstres qu’enfante leur époque. Des puissants qui vivent dans le lucre, le stupre et le crime.
Saïdou Alcény Barry
Il est sidérant de constater la permanence des Borgia dans les arts. Il s’agit du Pape Alexandre VI, son fils César Borgia et sa fille Lucrèce Borgia. Pourquoi cette famille italienne du 15 siècle, attire les artistes depuis si longtemps ? En 1833 déjà, Victor Hugo écrit un drame en 3 actes, Lucrèce Borgia. Peu après, Alexandre Dumas qui fouille dans les combles de l’histoire pour bâtir ces feuilletons consacre un chapitre de ses Crimes célèbres au Borgia. Et la poésie de se jeter dans les bauges borgiasques avec, en 1866, Verlaine qui intitule un des Poèmes saturniens "César Borgia". Donizetti aussi s’inspire du drame d’Hugo et crée un opéra éponyme! Au 20ème et 21ème siècles, c’est le cinéma et la télévision qui s’emparent durablement de la légende des Borgia. Une bonne dizaine de films ont été réalisés de 1909 à 2006, année où deux long-métrages ont été présentés sur les écrans. À la télévision, deux fictions sont produites dans la décennie 70-80. La première est française, Les Borgia ou le sang doré, la seconde est une production anglo-italienne, The Borgias.
Pour comprendre cet attrait des artistes pour les Borgia, faisons un peu d’histoire. En 1492, Rodrigo Borgia, neveu du pape défunt Calixte Borgia, devient pape à 36 ans sous le nom d’Alexandre VI. De pape, il n’a que la tiare, et ne sert qu’un seul dieu : lui-même. Assoiffé d’or et de toutes les richesses, il décida d’hériter de ses cardinaux et aida souvent le destin avec un poignard ou un poison pour faire passer de vie à trépas ceux qui trainaient un peu à rendre leur âme au Seigneur. Dirigeant la papauté avec un grand népotisme, il fit venir ses cousins aux affaires, leur distribua terres et domaines. Mais c’est son fils César qui bénéficia durablement du piston paternel ou disons de l’ascenseur tant son ascension fut fulgurante : à sept ans il est protonotaire de la Papauté, à 17 ans évêque de Pamplona et archevêque de Valencia, et à 18 ans Cardinal ! Après il le fit ôter la soutane pour l’épée et l’aida à régner sur le pays sous le nom de duc de la Romagne.
Par ailleurs, Il faut souligner que le pape et son fils sont de grands sybarites. En effet, le pape Alexandre VI organise urbi et orbi ou pour dire juste urbi et orgies des soirées de débauche à côté desquelles les soirées Bunga Bunga de Berlusconi sont des distractions de saints ; une célèbre orgie restée dans les annales fut celle avec cinquante courtisanes. Parmi les invités se trouvait son fils César ! Il faut dire que le père et le fils qui ne craignaient pas le Saint d’Esprit, s’aidaient de la poudre de cantharide pour se donner du tonus dans les reins et aussi pour se débarrasser de leurs ennemis : une pincée pour retrouver la vigueur d’un taureau dans le plumard, deux à trois pincées de plus dans le vin d’un convive pour l’envoyer ad patres. César prit tellement goût à ces petits meurtres entre amis qu’il les étendit à son frère Juan, assassiné et jetée dans le Tibre par ses sicaires et à son beau-frère Alphonse d’Aragon, l’époux de Lucrèce. Devenu maître dans les intrigues de palais et l’assassinat des opposants, il attira à sa cour les élites romaines. Leonard de Vinci, le génial inventeur et ingénieur italien dessina arbalètes, canons, chars, catapultes et béliers pour sa sanglante armée. Machiavel séduit par César écrivit le Prince, le livre de chevet de tous les hommes politiques contemporains, en s’inspirant de son mode de gestion du pouvoir. On voit que la concussion entre la tyrannie et l’intelligentsia ne date pas d’aujourd’hui.
Quid de Lucrèce Borgia ? L’histoire retient que c’est une très belle femme mais une incestueuse. Avec le père et avec le frère. En réalité, il fut un objet entre les mains de son père. Voulant la placer dans une famille de la noblesse, il obligea son premier mari à dire publiquement que leur mariage ne fut pas consommé. Ce qui fut fait mais la belle dame était déjà enceinte. Ce qui n’entrava d’ailleurs pas le second mariage, et une bulle papale reconnu l’enfant comme fils de César et ensuite du pape lui-même. Mais rendons justice à l’injuste Alexandre et à ses enfants. Il n’est pas le père incestueux que nous vend la légende. Mais, en vrai grippe- sou, il ne voulait pas que l’héritage de la famille échût à un enfant bâtard. D’où la falsification du bulletin de naissance. A la mort d’Alexandre VI à 72 ans, son fils César fut embastillé et sa fille Lucrèce s’emmura d’elle-même dans un cloître. Ici, finit l’histoire et là, commence la légende noire des Borgia qui continue à inspirer écrivains et cinéastes.
Quelle morale tirer de cette histoire ? Pourquoi notre époque s’intéresse-t-elle plus au Borgia qu’aux Atrides qui ont fait le sel des tragédies grecques. Certainement parce que les Borgia existent à toutes les époques. Nietzsche ne parle-t-il pas de l’éternel retour pour expliquer que tout fait se répète indéfiniment? Et le Bouddhisme n’évoque-t-il pas la réitération des phénomènes à travers la réincarnation du Karma ? Peut-on dire que sur tous les continents, à chaque époque, il existe des Borgia Noirs, Blancs, Jaunes et Rouges ? Les Borgia seraient donc un prétexte pour les artistes de parler des monstres qu’enfante leur époque. Des puissants qui vivent dans le lucre, le stupre et le crime.
Saïdou Alcény Barry
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