Tout mur est une porte. Emerson

mercredi 1 mai 2013

Expo Photo Les portraits voltaïques de Sory Sanlè



« L‘âge d’or de la photographie voltaïque » est une exposition des photographies en noir et blanc d’Ibrahim Dory Sanlè qui se tient à l’Institut Français de Ouagadougou du 19 avril au 18 mai 2013. Des photographie qui font revivre la jeunesse de Bobo Dioulasso des années 60-80. C’est un voyage à rebrousse-temps dans l’effervescence des indépendances.

Ces photos de Sory Sanlè, qui courent sur une vingtaine d’années-des Indépendance en 1960 jusqu’aux années 80-déroulent un grand pan de l’histoire de Bobo Dioulasso, la capitale économique du Burkina. Et elles exhalent un capiteux parfum de nostalgie et ressuscitent un passé définitivement englouti.
Ah ! L’âge d’or de la photographie avec les studios photo est derrière nous. Le coup de grâce a été l’apparition du Polaroïd qui a mis la photo à la portée de toutes les mains. Les studios photo ont longtemps été des chambres où les petites classes africaines venaient construire une image rêvée et valorisante d’eux-mêmes. Derrière un papier peint représentant une mégalopole ou un monument célèbre, tenant en mains les biens de consommations qui constituaient le must de l’époque comme un avion avec la passerelle déployée, le combiné du téléphone, un pot de fleurs synthétique ou une carabine à air comprimé, de jeunes hommes et filles se posaient, mettant à travers ces artefacts leur rêves d’Occident ou de la société de consommation en scène. Le studio fut aussi l’antre où on déposait l’empreinte de sa vie. Face au temps qui fuit, à la mémoire qui s’efface et à la disparition certaine des êtres et des choses, la photographie devient le moyen de conserver le souvenir en figeant l’instant dans l’éternité et en le sauvant de l’oubli.
A Bobo Dioulasso, Sory Sanlè fut l’un des photographes qui a saisi ces instants et ses photos sont des chroniques d’une époque, celle de Bobo Dioulasso au bon temps des indépendances. Les clichés de Sory Sanlè sont une machine à remonter le temps. On se retrouve dans l’euphorie des indépendances avec les bals où des orchestres reprennent les tubes africains et du monde. Des couples pris dans le rythme des sonorités s’oublient dans la danse et s’inscrivent comme des arabesques virevoltantes dans la photo. D’autres posent en studio, seul ou à deux, immobile ou esquissant un mouvement comme pour mettre de la vie dans cette image qu’ils savent fixe. Ces photos de Sanlè donnent l’air du temps et comme disait Robert Doisneau, elles sont des « constats d’huissier » En effet, on y découvre les modes de l’époque : des pantalons en bas d’eph, les coiffures afro et les poses qui évoquent les stars de la Blackexploitation ou les Boy’s band de la pop anglaise tels les Beatles ou les Rolling stone.

Si la plupart des photos oscillent entre la pose pleine de malice ou de serieux , on y découvre aussi des pépite complètement loufoque comme cet homme en souliers et chaussettes mais dans une tenue d’Adam, une culotte Kangourou blanche cachant ce qu’une feuille dissimulait chez le premier des humains !Qui est-ce ? Sans être un Sherlock Holmes, on peut conjecturer que c’est un soldat car à l’époque, seule l’intendance militaire disposait de ses types de culottes. Pourquoi cette tenue ? Notre soldat voulait-il faire admirer son corps d’éphèbe par une amoureuse laissée au village? Ou était-il si fier de son caleçon immaculé qu’il a voulu laisser l’empreinte à la postérité.
Les photos de Sory Sanlè sont belles. Très belles. Elles font penser à celles d’un autre photographe, le Malien Malick Sidibé. Le visiteur de l’expo se demandera pourquoi ces deux artistes qui sont d’une même époque et qui procèdent d’une même démarche ont-ils connu des fortunes diverses. Le Malien est connu dans le monde entier et ces œuvres sont très cotées tandis que le Burkinabè est peu connu. Les voies de la reconnaissance sont impénétrables. Mais les Rencontres africaines de la photographie se tenant à Bamako, si Sory Sanlè vivait et exerçait dans la capitale malienne, pas de doute que son travail aurait eu un écho plus grand. Comme quoi, il y a une géopolitique de l’art et il vaut mieux être danseur contemporain à Ouaga qu’imagier de talent. Connu ou pas, Sory Sanlè mérite que l’on s’attarde sur son expo pour voir ses photographies d’un monde révolu…

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