Tout mur est une porte. Emerson

jeudi 26 mars 2015

Morbayassa de Cheick Fantamady Camara: Vers un cinéma 6B



C’est le deuxième long métrage de fiction du réalisateur guinéen Cheick Fantamady Camara après  Il va pleuvoir sur Conakry  qui avait eu un succès d’estime. Ce film tente le pari difficile de concilier cinéma populaire et cinéma d’auteur.

Morbayassa (Le Serment de Koumba) est une histoire de rédemption. Une chanteuse de cabaret, Bella,  se bat contre la maffia locale pour retrouver sa liberté et aller à la recherche de sa fille en France.  Dès l’entame du film, le plan d’ouverture sur le réseau routier qui tisse un nœud complexe d’échangeurs est suivi d’un second plan sur le visage de Bella. Ce qui  annonce que sa vie n’est pas un long fleuve tranquille encore moins une ligne droite.

Le réalisateur guinéen, en bon cuisinier  ayant  expérimenté avec succès des recettes dans son premier long métrage, les reprend en les corsant un peu plus. Ainsi il mitonne un film avec une pincée de bonne musique, quelques couches de détonations d’armes à feu, une histoire d’amour à la Pretty woman et une bonne dose de nus féminins…Des corps de belles filles quasi nues qui se déhanchent de manière lascive.

Et il y a l’omniprésente  poitrine de l’héroïne campée par la belle et filiforme Fatoumata Diawara, deux  mamelons  qui occupent l’écran de manière itérative. On peut dire que Fantamady Camara  invente là un cinéma qui consiste à braquer la  camera à hauteur de balcon !

Pourtant malgré ces appâts ou ses appas, le film n’évite pas les longueurs. Cependant ce serait injuste de s’arrêter à ces petits assaisonnements de maitre-queux pour juger de la qualité du  plat.  Parce qu’il y a deux films en un. La première partie est un polar de série B, la seconde partie  est une touchante comédie dramatique. En effet, Dès que Bella s’affranchit de la maffia, le masque de la femme révoltée tombe et fait place à une mère qui se lance à la recherche de sa fille en France.  Comme des poupées russes, Bella s’efface pour donner toute sa place à Koumba Tounkara.

Après donc « le cinéma facile » et racoleur de la partie africaine qui exploite les 6 B (le Bling Bling, le Bang Bang et le Bunga Bunga), il y a une sorte de lenteur qui s’installe dans la partie française. Le rythme est synchrone de celui de Koumba qui foule avec précaution une terre qui n’est pas la sienne et  tente d’assembler les pièces du puzzle. Beaucoup d’émotion dans le face-à-face entre la mère et la fille. Deux plaques tectoniques qui ont dérivé  dans des directions opposées  et qui tentent de se ressouder.

Ce film a beaucoup plu au public du fespaco dans sa première partie, c’est-à-dire celle qui est  la moins artistique et qui exploite les recettes du cinéma populaire. Avec ce long métrage, Fantamady Camara veut plaire à un large public tout en articulant une réflexion sur la société africaine. Difficile exercice qu’il ne réussit pas. 

Ce n’est peut-être dans ce grand écart qui tente de concilier cinéma populaire et cinéma d’auteur que se trouve la survie du cinéma africain face aux blockbusters d’Hollywood et aux séries télés étrangères mais simplement dans la proposition d’un cinéma qui aurait quelque chose de singulier à montrer au monde. En somme préserver sa singularité au lieu de se diluer dans les codes du cinéma américain !