Tout mur est une porte. Emerson

lundi 30 mars 2015

Tango negro de Dom Pedro : Le chromosome nègre du tango!



Tango negro, les racines africaines du tango  est un documentaire  de 93 minutes de l’Angolais  Dom Pedro. Il part sur les traces du Tango des origines pour montrer la part négro-africaine de cette musique emblématique de l’Argentine.

Affirmer que le Tango est d’origine nègre paraît de prime abord saugrenu tant cette danse est emblématique de l’Argentine. Même les plus grands écrivains argentins comme José Cortezar, Ernest Sabato ou Luis Borgès qui  ont évoqué cette musique dans leurs œuvres n’ont jamais mentionné son ascendance africaine. Et puis, on visionne ce film et on se rend compte que ce pays n’a pas été aussi monocolore que l’on veut le faire accroire.

Ce film nous embarque dans un long voyage musical et historique entre Paris, Buenos Aires en Argentine et Montevideo en Uruguay. Une remontée vers les racines du Tango. Il donne la parole à des musicologues, des chercheurs, des musiciens  qui affirment l’origine nègre de cette danse.

On découvre effectivement que l’Argentine a reçu une forte colonie d’Africains  déportés sur son sol par la traite négrière. Ainsi en 1830, un tiers de la population de Buenos Aires était noire et certaines villes étaient à 50% peuplées de Noirs. Ces populations, majoritairement venues de l’Afrique centrale et de culture bantou vont y apporter leur musique. 

Mais cette communauté africaine va disparaisse peu à peu, exterminée dans les guerres ou dissoute dans le métissage. C’est à partir de 1852 qu’il y a une réécriture de l’histoire pour effacer l’apport culturel de la communauté négro-africaine. Une forte émigration blanche composée d’Italiens et de Juifs va apporter leur culture au Tango et occulté son essence nègre.

Ce documentaire est servi par des belles images. Il y a des moments de vrai cinéma qui happent le spectateur et le fait entrer dans l’histoire. Comme quand les couples dansent le tango, et la camera suit les arabesques des corps, restituant la fluidité, la légèreté et la beauté des mouvements qui oscillent entre l’étreinte amoureuse et  la tauromachie. 

Et lorsque, passant d’Argentine en Uruguay, on a une belle séquence d’un vol d’oiseaux migrateurs  s’étirant dans le ciel au-dessus de l’océan avant de disparaitre derrière les premières maisons de Montevideo, on a là une belle métaphore de l’arrivée des Noirs dans ce pays. 

On aurait aimé que Dom Pedro se servît plus de ces moments de poésie que des longues interviews. En somme, qu’il y mît plus de  poésie et moins de ratiocinations. Mais son propos se voulant scientifique, il a préféré le laïus des éminences.

Ce choix-là a pour conséquence de tirer le documentaire en longueur et  le cinéphile s’ennuie fort après une heure. Surtout on ne comprend pas pourquoi le film nous embraque pour l’Uruguay car la question de l’essence nègre du Tango est  Argentine. En Uruguay, le débat n’a pas lieu.

Tango Negro a une certaine résonance avec le  roman  Le Chanteur de Tango de  Toma Eloy Martinez qui raconte l’histoire d’un étudiant américain qui part sur les traces du tango en suivant  Julio Martel, un infirme qui n’a jamais enregistré ses chanson et qui chante dans des lieux improbables de Buenos Aires pour ressusciter une histoire douloureuse de l’Argentine, fait d’assassinats politiques et de dénis. 

Tango Negro aussi ressuscite l’histoire douloureuse et méconnue des négro-africains d’Argentine en allant sur les lieux qui portent les traces de cette existence. Grâce à ce documentaire, on verra le tango autrement. Comme la première world-music, une fusion entre musiques noire, italienne et  juive.