Tout mur est une porte. Emerson

jeudi 7 août 2014

Aristide Tarnagda : « J’écris où l’envie me prend.»




Aristide Tarnagda est un comédien, metteur en scène et dramaturge burkinabè.  Ses pièces sont jouées au Canada, en France, au Mexique et en Afrique. Il développe un théâtre de la marginalité qui donne la parole aux sans-voix (émigrés, chômeurs, loosers) à travers une écriture contemporaine verte, sans afféterie et d’une grande poésie. Aristide Tarnagda nous explique les secrets de la création dramatique.
 
L’Observateur Paalga (l’Obs) : Y a-t-il un endroit et des moments précis où vous écrivez ?

Aristide Tarnagda : J’écris où l’envie d’écrire me prend. J’écris en jouant aux cartes. J’écris en répétant une pièce. Au préalable je jette quelques mots sur  des bouts de papiers, sur mon téléphone ou mon ordinateur ou tout simplement dans un coin de ma tête…  Jusque-là je n’ai pas encore écrit avec des ouvrages particuliers. Mais peut être avec leurs échos. L’effet qu’ils ont produit en moi quand je les lisais. J’écris cependant en écoutant de  la musique (Salif Keita, Faso Komba, Alif Naaba, le roudga « violon mossi», la musique bissa, Toumani Diabaté…)
J’écris dans ma maison ou au café ou devant ma cour ou au grin (Ndlr : lieu de retrouvailles d’amis) de thé ou de cartes…je n’ai pas un bureau ou j’écris. Pas encore.

L’Obs : Comment naît un livre  chez vous ?  Quelle est l’étincelle déclencheuse ?

Aristide Tarnagda : Il y a le moment où une idée, une phrase, un personnage, des personnages, une histoire, un visage, une situation, m’envahissent, me séduisent, m’interpellent, me draguent, puis finissent par s’implanter et se fixer en moi.  Prendre vie. Forme. Visage. Couleur. Odeur. Puis ça commence à grossir. Je suis comme possédé. Et ça grossit, ça grossit et ça grossit. Et à un moment, il faut que ça sorte, que je me libère, que j’accouche. Alors je  prends mon ordi et je me mets à expulser cette histoire, ces mots, ces personnages, ces obsessions qui m’ont envahi …


L’Obs : Racontez –nous la naissance de votre dernier livre.

Aristide Tarnagda : J’ai écrit Et si je les tuais tous madame ? en rencontrant et en cheminant avec Lamine Diarra (Ndlr : un comédien malien qui vit en France). Je voulais d’abord lui écrire une pièce pour qu’il joue puisse qu’il est comédien.  Et donc des questions naissent : quoi écrire ? D’où ? Et je me suis ouvert à tous les possibles. Me laisser envahir, posséder par une histoire, des personnages, une parole à partager car  le théâtre  est  avant tout une histoire de partage. Et l’idée d'écrire le pendant de Les Larmes du ciel d’août est née en moi. Lamine serait donc l’homme parti et qui a promis à sa copine de revenir avec beaucoup de rêves pour améliorer leur vie….

L’Obs : Combien de temps dure l’écriture d’un livre ?

Aristide Tarnagda : Comme je l’ai dit plus haut,  il y a deux périodes dans mon acte d’écrire:  il y a le moment de copulation avec les idées, les histoires et les personnages. Cela peut durer  une année, deux mois, ou quelques semaines. C’est selon.  Et il y a l’accouchement de la matière transformée, teinte, peinte, et rêvée. Cela dure en général un mois maximum. Puis il y a les soins qui suivent : il faut élaguer, nettoyer…cela dure plusieurs mois…le temps des retours des amis et de la disponibilité pour le nouveau-né…

L’Obs : Quel livre êtes-vous en train de lire en ce moment ?

Aristide Tarnagda : Je suis en train de lire Baabou roi de Wole Soyinka après M’appelle Mohamed Ali de Dieudonné Niangouna…
L’Obs : Sur une ile  déserte, quels sont les trois livres que vous mettrez dans vos bagages ?
Aristide Tarnagda : J’emporterai avec moi Poésie,  art de l’insurrection de Lawrence Ferlinghetti ; Village fou de Koffi Kwahulé et Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès



Pièces  publiées de l’auteur
Il pleut de l’exil et les larmes du ciel d’août/ écriture d’Afrique/Culturesfrance/2007/théâtre
De l’amour au cimetière/ collection Récréatrales/ les découvertes du Burkina/ 2008/théâtre
Alors, tue-moi et les larmes du ciel d’août/ collection Récréatrales/ les découvertes du Burkina/2010/théâtre
Et si je les tuais tous Madame et les larmes du ciel d’août/ Lansman édition/2014/théâtre