Tout mur est une porte. Emerson

samedi 8 février 2014

Remember Nick !


Nick Domby disparaissait le 11 septembre 2004. Arrangeur génial, il a accommodé le moore à toutes les musiques modernes : funk, rock, groove. Il a imposé la chanson en langue nationale sur la scène internationale et dans la word music. Dix ans plus tard, que reste–il de son œuvre?

Pourquoi parler de Nick Domby aujourd’hui ? Parce qu’il est des sujets qui s’invitent d’eux-mêmes au mépris de l’actualité et parce que c’est la faute à la mémoire. Etrange mécanique en effet que celle de la mémoire ! Il a suffit de deux faits anodins et sans lien apparent pour activer le souvenir de Nick Domby. D’abord, une voiture qui passe, son autoradio crachant à plein décibel une musique percutante. Et puis, une inconnue passant sur une moto, laissant dans son sillage un parfum capiteux qui flotte un instant avant de se dissoudre dans l’air. Et l’association de ces sonorités et cette fragrance étrangement réactive le souvenir de Nick Domby. Et cette interrogation : tel ce parfum, sa musique s’est-elle évanouie à jamais?

De quoi cela tient-il que les mélomanes burkinabé ont pu oublier après seulement une décennie Nick Domby, de son vrai nom Dominique Kontomgomdé ? Il fut celui qui imposa la musique burkinabé en langue nationale sur la scène internationale ? Si Georges Ouédraogo fut le premier à montrer que le mooré pouvait s’imposer sur la scène internationale avec son groupe le Bozambo, c’est véritablement avec Nick Domby que la musique en langue mooré a pu se couler harmonieusement dans le funk, le rock, la pop et rivaliser avec des tubes en anglais. Dans ce sens, Greg, Floby, Faso Kombat et maints autres artistes du Faso doivent à Nick d’avoir défricher la voie. Ils sont les héritiers de ce musicien.

Dans les années 1990, au moment où la jeunesse branchée du pays dansait au rythme de Milli vaneli, George Michael et de Phil Collins, un clip passa à la TNB un soir et changea définitivement les choses. Ce fut la Révélation. Les jeunes mélomanes découvrent compatriote qui vit à Orléans, en France, qui fait de la musique funk et qui chante en …mooré ! Et ce tube n’avait pas à rougir de la comparaison avec le beat anglais ou américain en termes de qualité. Le Burkina vibra pendant toutes les vacances au rythme de M’Bapole.

Nick Domby revint au pays en fils prodigue. Il fut fêté par tous. Suivront d’autres tubes qui explorèrent toutes les tendances de la world. La chanson Soum 7 fit un tabac. Sur une rythmique endiablée d'un rock pur jus proche du tourbillonannant Roch around the clock de Bill Haley, il pose une chanson en mooré, simplette, plus proche de la comptine que de la chanson adulte mais la magie opère. Il y a surtout l’album Mossi World Goove avec le tube On est dans la Zup qui fut fureur. C’est un cocktail survitaminé de sonorités pop et africaines (notes cristallines de balafon) avec un zeste de notes de cithare. Un tube qui puisait à de nombreuses sources et qui était très dansant. Les nightclubbers se contorsionnaient comme des fakirs sur les pistes de danse du pays au rythme de On es dans la Zup. Il n’est pas exagéré de dire que certaines sciatiques et lumbagos actuels de quelques quadras et nouveaux quinquagénaires s’originent là.

L’art de Nick Domby résidait pour beaucoup dans sa capacité à mettre en harmonie les genres les plus disparates, à sampler dans le vaste répertoire mondial des morceaux de bravoure pour faire des chansons dans lesquelles les Burkinabé se reconnaissent.
Et d’autres perles dans ce chapelet de bonne musique comme Burkin’bila, Rasmata, Razougou, Mooga Biiga et la reprise de Charles Aznavour, Et pourtant…

Comme on le voit Nick Domby a de son vivant connu un immense succès. De retour au pays, il ouvre les studios midi et enregistre Burkina Compil, un best of qui reprend les grands tubes de la musique burkinabè des seventies et eighties. Une odyssée musicale qui met au jour le répertoire oublié par la jeune génération. Il était certainement poussé par le souci d’arracher à l’oubli les œuvres musicales du passé.

Dix ans après sa disparition, il est peut-être temps que le pays reconnaissant lui renvoie l’ascenseur. La génération actuelle pourrait revisiter son répertoire, s’en inspirer, etc. Comme les lamantins vont boire à la source, ils doivent s’en retourner vers celui qui, avec son beat puissant, a ouvert avec fracas les deux battants de la modernité à la musique en langue nationale du Faso. Il ne faudrait pas que l’œuvre, dix ans seulement après la disparition de l’homme, se dissolve dans la mémoire comme le parfum d’une passante dans l’air…