Tout mur est une porte. Emerson

mercredi 20 juillet 2011

Le métier de critique ou la profession de mauvaise foi

Comment peut-on faire profession de critique ? Éreinter ou louer un film ou une pièce de théâtre sans être cinéaste ni homme de théâtre et n’en éprouver aucune gêne. Ne faut-il pas une bonne dose de culot et beaucoup de mauvaise foi?

Il nous est incompréhensible qu’un journaliste, honnête et bien dans sa tête, se fasse payer pour écrire des méchancetés ou pour vanter un film, une pièce de théâtre, un livre ou une sculpture sans être ni cinéaste, ni metteur en scène, ni peintre ni sculpteur. Imagine-t-on un journaliste se mêlant de chirurgie et donnant des leçons de manipulation de bistouri à un chirurgien de Yalgado? Le ferait-il qu’on le mènera fissa à l’asile attenant au bloc opératoire car on le soupçonnerait d’avoir péter un plomb et même le gros câble de la raison. Alors pourquoi ce qui n’est pas admis dans la médecine ou tout autre domaine l’est dans les arts ? Pourtant un journaliste peut juger de la qualité d’un tableau ou de l’art d’un peintre même s’il ne sait par quel bout on tient un pinceau ni l’art de composer les couleurs. Que l’on retrouve le même bonhomme dissertant de cinéma sans être cinéaste, de théâtre sans en connaître les ficelles et même de danse contemporaine tout en étant incapable d’esquisser le moindre pas, voilà un mystère qui nous laisse pantois.

Pour leur défense, les critiques disent qu’ils sont avant tout des spectateurs et en tant que tels, ils ont le droit d’émettre un avis sur un spectacle, dire le plaisir qu’ils ont eu ou l’ennui. Mais c’est oublier qu’un spectateur, un vrai confie ses impressions au petit carré de ses intimes, il ne le crie pas à des milliers d’exemplaires dans les journaux et dans tous les foyers qui ont une télé. En plus, d’après nos enquêtes, les critiques ne paient jamais de ticket pour voir un spectacle et on leur réserve toujours les meilleures places de sorte qu’ils ne perdent aucune miette du spectacle. Et après, ces messieurs ont le culot de cracher sur le spectacle qui leur a été gracieusement servi. Quelle ingratitude ! Imagine-t-on un convive qui quitterait la table à manger en traitant son hôte d’empoisonneur ? Même quand ils en diraient du bien, on pourrait douter de leur sincérité parce que la bouche ne mord pas la main qui la remplit.
Cependant, il faut aussi se demander si les artistes ne méritent pas les bâtons et les carottes avariées des critiques. Il nous est effectivement difficile de comprendre pourquoi un homme voudrait que le monde entier voie la petite chose qu’il a bricolée dans sa solitude. Il aurait pu le montrer à sa femme ou à ses voisins mitoyens mais voilà qu’il se pique de le faire admirer de tout le monde. Les invite-t-il à venir gratuitement admirer sa création ? Non, ils les obligent à payer pour ça et il voudrait que le zig qui a claqué son oseille et qui n’est pas satisfait se la boucle. Il faut bien que quelqu'un lui dise que sa chose-là est une merde. C’est le critique qui devient le porte-parole de tous les déçus, il les venge des petites arnaques des artistes. Là, ce n’est que justice ! L’artiste a l’ego aussi gros qu’un ballon à hélium et il faut de temps à autre le dégonfler avec l’aiguille de la critique, ça participe de la thérapie de groupe. Il devient artriste mais ça ne dure pas une seconde.
D’ailleurs, quand un critique vante le travail d’un artiste, eh oui, il y en a qui sont de véritables cireurs de pompes, celui-ci se met à parader comme un paon. Peu lui importe que ces louanges soient méritées ou pas. Il court achète le journal pour lui et pour tous es amis, découpe l’article comme une relique et le range religieusement dans son press-book. Pour l’artiste, le bon critique n’est pas celui qui connait bien l’art et qui en parle avec justesse, c’est simplement le journaliste flagorneur qui lui tresse des lauriers et satisfait son envie d’être caresser dans le sens du poil. Comme des enfants qu’il faut flatter pour qu’ils mangent ou dorment, ils ont besoin de paroles mielleuses…
Et le lecteur dans tout ça ? Il semble qu’une critique favorable amène rarement un lecteur au théâtre ou à un vernissage. Après le boulot, il reste en pantoufles devant sa télé ou il s’encanaille dans un bar, rarement il va au spectacle. Par conséquent les lecteurs n’attentent pas du journaliste qu’il écrive une vraie critique, docte, juste, non, ils veulent un bel article. Toute la nuance est là ! En lisant les pages culture de leur journal, les lecteurs espèrent trouver « une semonce vertement menée, ou le cas échéant, un panégyrique réchauffant, mais l’un et l’autre écrits d’un jet, sans nuance, avec la passion et l’injustice qu’il faut pour retenir un minute l’attention ». disait Pierre-Aimé Touchard, un critique passé à l’ennemi.

En fait, à discuter des faits et des causes à propos des critiques, des artistes et des lecteurs, on perd son latin et même sa raison parce que c’est un panier de crabes. De toute façon, comme au Burkina Faso, il n’existe pas des critiques, il n’y a aucune raison d’en faire tout un foin !

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