Tout mur est une porte. Emerson

mercredi 30 octobre 2013

Docu de Gideon Vink: Le Ruudga Parle avec Nouss Nabil


Le Ruudga Parle avec Nouss Nabil

Après les films musicaux sur le légendaire Bembeya Jazz et le destin tragique de Black So Man, l’Association Semfilms s’est intéressé avec le docu Le Ruudga Parle à Nouss Nabil et à l’instrument traditionnel qu’il joue et tente de promouvoir. Ce film réalisé par Gideon Vink met la lumière sur le ruudga sans pour autant en dissiper les ombres et les légendes.


Nouss Nabil, vous vous en souvenez ? Certainement que le grand public des téléspectateurs de la dernière décennie se rappelle ce jeune homme, très grand de taille qui se déhanchait mollement au rythme d’une chanson un peu grivoise sur les bords. Ayant eu son quart d’heure de célébrité comme le prophétisait Andy Warhol, il aurait pu retomber dans l’anonymat comme tous ces chanteurs d’une saison. Mais le jeune homme ayant goûté à l’ivresse de la musique et de la célébrité ne veut plus quitter la scène musicale. Il veut être un vrai musicien et décide d’apprendre à jouer d’un instrument.
Après une courte éclipse, il est revenu épaissie, la barbe poivre et sel, jouant du ruudga, la viole traditionnelle des Moosi.

C’est la reconversion de ce jeune homme, moderne, citadin et bien portant au ruudga que tente de comprendre le film. Le Ruudga Parle est conçu sur le schéma du conte initiatique, avec un héros qui fait son apprentissage à passant d’un maître à un autre, d’un lieu à un autre. Ainsi Gideon Vink accompagne Nouss Nabil de son équipée à travers le Burkina Faso pour comprendre le origines et les mystères de son instrument. La caméra le suit, souvent de dos, à travers ses déplacements pour rencontrer les aînés, la plupart malvoyants. Le ruudga est un instrument qui est attaché aux malvoyants dans le pays mossi et on en fait un accessoire pour mendiant.

A Ouagadougou, il rencontre Denis Sawadogo, un aveugle qui joue dans les débits de boissons et à Bissiga, un petit village de Ouahigouya, Michel Ouédraogo et son frère. Ah ! le vieux Michel, 50 ans de musique. Il a remplacé la calebasse du ruudga par une casserole en alu mais il arrache à son instrument des sonorités extraordinaires et d’une grande pureté. Avec lui, on se rend compte que le ruudga parle car l’instrument semble répéter les mots qu’il chante.

Le documentaire est composé de deux périodes. Une partie solaire qui montre Nous Nabil dans ses pérégrinations à la rencontre des maîtres du ruudga et dans son entreprise de vulgarisation de l’instrument, d’abord à l’Université devant les étudiants de Lettres et ensuite avec des gamins pendant le festival Wedbindé de Kaya.

Et une période crépusculaire et nocturne. Le basculement s’opère par les inserts d’un coucher d’un soleil et l’apparition de la pleine lune. Cette seconde partie s’attache à la part d’ombre du ruudga. Nouss Nabil évoque les pouvoirs de l’instrument. Ce pouvoir est aussi souligné par El Hadj Idrissa Dembélé qui conte une histoire extraordinaire digne des Mille et Une nuit. Pendant qu’il raconte cette histoire extraordinaire, la camera saisit l’effet sur sa famille : zooms sur des regards étonnés, dubitatifs.

Il n’est pas dans notre propos de nier ou d’accréditer cette thèse du ruudga capable de réaliser des choses extraordinaires mais en entourant l’instrument de fantastique, cela peut nuire gravement à sa vulgarisation. Car pour faire entrer le ruudga dans les écoles et dans les orchestres classiques comme le souhaite Nouss Nabil, il faut avant tout en faire un objet profane. En le sacralisant, il rajoute au folklore et participe à son isolement.

Ce film participe à la connaissance de cet instrument de musique traditionnelle. Il se regarde avec plaisir à cause des images bien léchées et parce que la caméra est ouverte à l’imprévu et saisit le mouvement de la vie quotidienne de Bobo Dioulasso. Des visages anonymes, des paysages et des sites connus traversent le film de sorte que Nouss Nabil n’emplit pas l’écran même s’il est le personnage principal. En ne tombant pas dans la célébration d’un artiste, ce docu évite l’écueil de la plupart des films musicaux. Il est disponible en DVD.


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