Tout mur est une porte. Emerson

jeudi 30 août 2012

A la poursuite de l’Empreinte du Renard

C’est un lecteur qui poursuit un livre insaisissable qui se dérobe à chaque fois qu’il croit le tenir. Chassé-croisé entre un livre et un lecteur.


A la gare TCV de Ouagadougou, l’homme, la quarantaine, ne tenait pas en place et trépignait comme un cheval fougueux. Dès qu’il vit que nous nous intéressons à son manège, les yeux brillants, il tendit la main vers une jeune dame et murmura, extatique : l’Empreinte du Renard. Un livre dépassait de la grosse poche de sa saharienne. A travers ces propos qui se bousculaient, sous l’émotion, jaillissant dans un flot impétueux, nous avons compris que ce livre l’obsédait depuis cinq ans. Il nous expliqua qu’il est des livres que l’on croise un jour, le regard posé sur la couverture et qui vous file sous les yeux. Livre vu, entraperçu, couru mais jamais lu. Pour lui, ce livre impossible est L’Empreinte du Renard de Moussa Konaté paru aux Editions Points en 2006.
Tout a commencé il y a cinq années dans un hôtel de Mopti. Le livre était posé sur le comptoir devant la dame de la réception. Il était là, luisant dans sa noire couverture, le titre en lettre d’or brillant d’un sombre éclat. La photo du renard, les yeux étincelants. D’emblée, il avait senti l’envie de posséder ce livre, de l’ouvrir et d’y poser fiévreusement les yeux. Mais la réceptionniste lui expliqua que le roman avait été laissé en consigne par une Française qui était partie dans les falaises de Bandiagara. Il aurait pu attendre le retour de celle-ci mais il devait aussi partir au pays Dogon. Aussi se jura-t-il de se procurer le livre dès son retour à Ouaga. Aucune librairie de la Capitale des « Hommes intègres » n’avait L’Empreinte du Renard en rayon…

Deux ans plus tard, il croisa de nouveau le fameux polar malien. Au Sénégal. A Saint –Louis, la belle île indolente qui a ses pieds dans l’eau et la tête dans le passé, vivant dans la nostalgie d’une époque révolue : celle des belles signares qui doraient au balcon de leurs vastes demeures, le regard soyeux, le maintien altier, un éventail à la main, les bijoux étincelants comme des lucioles. De ce passé, il ne restait que des demeures vieillottes que l’Unesco tente de sauver de la ruine. C’est dans l’une d’elles, transformée en galerie que Le liseur revit avec une émotion inentamée L’Empreinte du renard. Le roman était parmi d’autres livres sur une étagère d’un petit meuble métallique à même la pelouse du jardin.
Et une année après, à Casablanca. En transit avec Royal Air Maroc pour le Burkina, il vit un voyageur, jeune freluquet, look hippie, piercing et tatouage abondants, qui était couché à même le froid carrelage de l’aéroport, la tête sur son sac marin qui tenait lieu d’oreiller, un livre sur le visage. Le livre était… L’Empreinte du Renard… Dès qu’il s’approcha, il entendit le ronflement régulier du jeune. Hésitant entre le réveiller et lui piquer son bouquin, il décida qu’il était plus sage de renoncer au vol qui pouvait le précipiter dans les geôles marocaines réputées aussi terrifiantes que la descente dans les cercles de l’Enfer de Dante.

Et voilà que dans la gare TCV, la Providence le met en ce jour-là devant l’insaisissable roman. Cette fois-ci, il espère que c’est la fin de la traque. Il a rapidement élaboré un scénario pour récupérer le Graal auprès de la jeune femme en saharienne. Comme le voyage jusqu’au Benin dure une journée, il pourra attendre que la jeune femme achève le livre avant de lui proposer de l’acheter.
Pourtant quelque chose nous dit que Le Liseur ne fera rien pour enfin avoir ce livre tant quêté mais jamais obtenu. L’Empreinte du Renard lu, il ne lui restera aucune soif, aucune faim d’un autre livre. Et cela, inconsciemment, il ne doit pas le vouloir.
Saïdou Alcény Barry

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tu es merveilleux Saidou... et la photo ! !
Comment veux tu que je reste insensible ! Pas encore trouvé "l'empreinte du Renard", mais je vais chercher.

ps: le texte est trop court, écris ton livre. Je veux le lire et je chercherai à te publier. Pourquoi pas, voyons grand !
mb